vendredi 10 octobre 2014

John Prine disque à disque - Aimless Love (1984)



En ce 9 octobre 2014, John Prine fête ses 68 ans. C'est donc l'occasion rêvée pour reprendre l'exploration de son œuvre avec l'album "Aimless Love" publié en 1984. "Storm Windows" datait de 1980. Dans l'intervalle, John Prine a créé son propre label Oh Boy Records, suivant en cela l'exemple de son ami Steve Goodman et de sa compagnie Red Pajamas Records.


John a donc pris son temps pour enregistrer (sa première publication pour Oh Boy fut le single de Noël "I Saw Mommy Kissing Santa Claus" en 1982), d'une part parce qu'il n'avait pas de pressions commerciales et que cela correspondait à son rythme de travail, d'autre part en raison des contraintes financières et juridiques générées par la création du label.

Pour la production de l'album, John s'était associé à Jim Rooney pour dix titres, le onzième, "People Puttin' People Down" ayant été produit par Steve Goodman en 1981 lors de sessions interrompues pour un nouvel album.

Le résultat est plutôt convaincant, même si "Aimless Love" ne fait pas partie des disques les plus remarquables de John Prine, apparaissant comme une suite naturelle de "Bruised Orange" par sa tonalité générale avec un côté peut-être un peu plus rude. John a écrit cinq des titres et coécrit les autres. On y retrouve le même mélange de tendresse et d'ironie teintée d'auto-dérision qui caractérise le songwriter. Des titres comme "Unwed Fathers" (repris par Johnny Cash l'année suivante), "Me Myself And I" ou "The Bottomless Lake" (au texte d'un non-sens typiquement prinien) se détachent ainsi que le plus mordant "People Puttin' People Down" qui fut interprété en concert par un fan de John Prine du nom de Bob Dylan!


Tout cela fait que "Aimless Love" est l'un des albums les plus attachants de John et cela d'autant plus qu'il s'est fait attendre (pour nous, Européens de l'ère pré-internet, il a même fallu attendre 1986 et la publication de l'album par Demon Records).


Parmi les musiciens participant à l'album, il faut noter la présence des claviers de Bobby Whitlock (ex Derek & The Dominos), de la guitare de Philip Donnelly (rencontré précédemment aux côtés de Lee Clayton, Townes Van Zandt ou Guy Clark) et de quelques invités prestigieux comme John Sebastian, Glen D. Hardin, Jennifer Warnes ou Spooner Oldham pour n'en citer que quelques-uns.


  1- Be My Friend Tonight (John Prine / Roger Cook / Shel Silverstein)
  2- Aimless Love (John Prine)
  3- Me, Myself And I (John Prine / Dan Penn / Spooner Oldham)
  4- The Oldest Baby In The World (John Prine / Donnie Fritts)
  5- Slow Boat To China (John Prine / Bobby Whitlock / Linda Whitlock)
  6- Bottomless Lake (John Prine)
  7- Maureen, Maureen (John Prine)
  8- Somewhere Someone's Falling In Love (John Prine / Donnie Fritts)
  9- People Puttin' People Down (John Prine)
10- Unwed Fathers (John Prine / Bobby Braddock)
11- Only Love (John Prine / Roger Cook / Sandy Mason)

John Prine: Vocals, Guitar
Tony Newman: Drums
Rachel Peer-Prine: Bass, Harmony & Background Vocals, Guitar
Bobby Whitlock: Piano, Organ, Background Vocals
Philip Donnelly: Guitar, Background Vocals
Leo Leblanc: Guitar, Pedal Steel, Bass
Jim Rooney: Guitar
Jack Grochmal: Guitar, Tambourine
John Sebastian: Harmonica, Autoharp
Spooner Oldham: Piano
Donnie Fritts: Piano
Bobby Woods: Piano
Roger Cook: Ukulele, Background Vocals
Dave Prine: Fiddle
Kevin Wells: Drums
Glen D. Hardin: Piano
Chuck Fiore: Bass
Greg Prestopino: Background Vocals
Jennifer Warnes: Background Vocals
Matthew Wilder: Background Vocals
Charles Cochran: Organ, Upright Bass
Sandy Mason: Background Vocals
Steve Fishell: Pedal Steel
James Harrah: Guitar


jeudi 9 octobre 2014

En 2014, l'herbe est toujours bleue...



Mon amour du bluegrass est né dans les années 1970, alors que j'avais une vingtaine d'années. Les Byrds m'ont mené aux Kentucky Colonels grâce à Clarence White ou aux Dillards par l'entremise de Gene Clark. Les Flying Burrito Brothers m'ont conduit à Country Gazette. Et puis il y a eu Emmylou Harris, avec Ricky Skaggs dans son Hot Band, qui m'a permis de découvrir Boone Creek, J.D. Crowe & The New South et, partant de là, des musiciens du calibre de Tony Rice et Doyle Lawson. Le titre "Satan's Jewel Crown" sur "Elite Hotel" m'a révélé John Starling et le Seldom Scene, le groupe qui représente le mieux le bluegrass que j'aime. Je n'oublierai pas, bien sûr, le rôle fondateur du Nitty Gritty Dirt Band avec le monumental "Will The Circle Be Unbroken". À partir de là, la machine à remonter le temps s'est mise en marche et m'a permis (me permet encore) de découvrir les trésors de cette musique. Certains de mes héros de l'époque sont toujours actifs et performants aujourd'hui comme en témoignent quelques disques parus ces derniers mois.



  1- Saro Jane (Lester Flatt / Earl Scruggs)
  2- I'd rather be alone (Tom James / Tony Lee / Jim West)
  3- Pike county breakdown (Rupert Jones)
  4- If I lose (Ralph Stanley)
  5- Sally Ann (public domain)
  6- Cry, cry darling (J.D. Miller / Jimmy Newman)
  7- Powder creek (Roland White / Clarence White)
  8- Loose talk Freddie Heart)
  9- Soldier's joy (public domain)
10- Blue night (Kirk McGee)
11- Hot flash on the highway (Roland White)
12- High on a mountain (Olla Belle Reed)
13- On my way back to the old home (Charlie Monroe)

Roland White, le frère de Clarence, mandoliniste et chanteur des Kentucky Colonels puis de Country Gazette (et de bien d'autres formations) est désormais à la tête du Roland White Band dont l'album "Straight-Ahead Bluegrass" vient de faire l'objet d'une chronique dans Le Cri du Coyote (#142). Je citerai simplement la conclusion «… on reste épaté par la fraîcheur et la joie de vivre qui se dégagent de l'album, aussi bien dans les instrumentaux ("Pike County Breakdown", "Soldier's Joy") que dans les morceaux chantés ("I'd Rather Be Alone", "Loose Talk, High On A Mountain"). Aux côtés de Roland et de sa mandoline on trouve deux autres membres fondateurs du groupe, Diane Bouska, guitariste et épouse de Roland avec qui elle partage les voix lead, et Richard Bailey au banjo. S'y ajoutent Jon Weisberger à la basse et aux harmonies et Brian Christianson (un nom à retenir) au violon et aux harmonies. "Straight-Ahead Bluegrass" est un disque porté par une passion partagée, un moment de rare et pur bonheur pour l'auditeur». Pour en savoir plus: Le Cri du Coyote – BP 48 – 26170 BUIS LES BARONNIES – cricoyote@orange.fr


  1- California cottonfields (Dallas Frazier / Earl Montgomery)
  2- Wait a minute (Herb Pedersen)
  3- What am I doing hangin' 'round (Michael Martin Murphey / Owen Castleman)
  4- Hickory wind (Gram Parsons / Bob Buchanan)
  5- I'll be no stranger there (John Alcorn / Lonnie Combs / A.B. Sebren)
  6- Walk through this world with me (Sandra Seamons / Kay Savage)
  7- Big train (From Memphis) (John Fogerty)
  8- With body and soul (Virginia Stauffer)
  9- Paradise (John Prine)
10- It's all over now, Baby Blue (Bob Dylan)
11- Mean mother blues (John Starling)
12- My better years (Hazel Dickens)
13- Little Georgia Rose (Bill Monroe)
14- Like I used to do (Pat Alger / Tim O'Brien)
15- Through the bottom of the glass (Paul Craft)
16- Lorena (Henry D.L. Webster / Joseph Philbrick Webster)



Je n'ai pas chroniqué, mais j'aurais aimé le faire, "Long Time … Seldom Scene", le dernier album du groupe de Chicago fondé au début des seventies par John Duffey, John Starling, Mike Auldridge, Tom Gray et Ben Eldridge. Seul ce dernier fait encore partie du groupe avec son banjo. John Duffey et Mike Auldridge ont quitté ce monde, bien trop tôt. Les autres membres actuels s'appellent Dudley Connell (guitare et voix), Fred Travers (dobro et voix), Lou Reid (mandoline et voix) et Ronnie Simpkins (basse et voix basse). Cette formation était déjà la même en 1996 pour l'album "Dream Scene" à l'exception de Lou Reid Pyrtle qui a remplacé John Duffey après sa mort à 62 ans, en décembre de cette même année (Lou Reid avait déjà officié en qualité de guitariste de Seldom Scene de 1998 à 1992). L'album est une sorte de flashback pour le groupe qui reprend des titres déjà enregistrés dans le passé, lorsque les voix des deux John constituaient la marque de fabrique du groupe. Les esprits chagrins diront qu'ils ne s'agit plus aujourd'hui du véritable Seldom Scene, oubliant un peu vite qu'il en va ainsi de la plupart des formations de bluegrass qui évoluent au fil du temps pour ne garder qu'un seul membre (J.D. Crowe, Doyle Lawson, Charlie Waller) voire même seulement le nom (Lonesome River Band). Les groupes de bluegrass sont constitués de "body & soul" et, depuis toujours, survivent au départ (ou à la mort) de membres importants dont ils préservent l'esprit. La chanson intitulée précisément "With Body And Soul" en est ici la meilleure illustration, tellement elle portait la griffe de Duffey dans la version enregistrée pour "Act 1", en 1972. On est presque surpris de se rendre compte que la nouvelle mouture, avec John Starling et Emmylou Harris mais aussi Tom Gray en invités, fonctionne aussi bien et on ne pense pas à la comparer avec l'original. On écoute et on savoure. On ne pense pas non plus à Gram Parsons quand la voix d'Emmylou Harris s'élève près de celle de Dudley Connell pour un "Hickory Wind" tout en sensibilité. La vérité est que l'on a affaire à des musiciens et vocalistes de grand talent, qui revisitent un répertoire de qualité, y apportant leur touche personnelle et actuelle. Le traitement de titres comme "Big Train (From Memphis)" de John Fogerty, "Paradise" de John Prine ou "It's All Over Now Baby Blue" de Bob Dylan est particulièrement remarquable mais je pourrais en dire autant de chacune des chansons. Je ne sais pas si l'album a des points faibles, je n'ai en tout cas aucune envie d'en trouver. En revanche, je citerai deux autres points forts: l'enregistrement, d'une grande fraicheur, manifestement effectué essentiellement dans des conditions "live", et le livret de 36 pages, superbement documenté et digne de Smithsonian Folkways. À la création du groupe, semi-professionnel, John Duffey avait dit: "N'essayons pas de devenir riche en faisant ceci, gardons nos jobs de jour. Amusons-nous, tout simplement". Le message a survécu à John et à l'épreuve du temps.


  1- Coming soon (Gene Johnson / Val Johnson)
  2- It's done (Randy Swift)
  3- Thank you dear God (George Steve Watts)
  4- Get on board (arrangement Doyle Lawson)
  5- He made the tree (Tom Botkin / Donnie Skaggs)
  6- Lead me to that fountain (George Steve Watts)
  7- He's in control (George Steve Watts)
  8- Will you go? (Steve Watts / Doyle Lawson)
  9- O far country (Tami Pockstaller)
10- Climbing upward (George Steve Watts)
11- I sailed back (Luther G. Presley)



Doyle Lawson, je l'avais découvert aux côtés de J.D. Crowe au sein des Kentucky Mountain Boys. Il a fondé Quicksilver en 1979 et "Open Open Carefully, Message Inside" est le trente-sixième album publié par le groupe, le vingtième d'inspiration religieuse. Je ne ferai pas le compte des musiciens et chanteurs qui se sont succédés au sein de Quicksilver mais, à l'image de son confrère bluesman britannique John Mayall avec ses Bluesbreakers, Doyle a toujours su dénicher les talents qui se sont ensuite épanouis après avoir quitté son aile protectrice (mais rigoureuse). La formation actuelle ne fait pas exception. Josh Swift est au dobro et à la guitare, Jason Barrie aux violons, Joe Dean au banjo et à la guitare, Dustin Pyrtle à la guitare, Eli Johnston à la basse (et, bien sûr, Doyle Lawson à la mandoline) et tout ce beau monde chante et harmonise à qui mieux mieux, parfois tous ensemble comme dans le titre a cappella "Get On Board" qui donne des frissons. Mis à part le constat du talent du groupe et de ceux qui le composent, le disque n'apporte rien de nouveau (ce qui n'est pas surprenant puisque son objectif est de transmettre le flambeau d'une tradition) et énervera sans doute ceux que le gospel bluegrass irrite (j'en connais) mais, dans le genre, il est difficile de faire mieux. Doyle Lawson nous conseille néanmoins d'être attentifs aux paroles car le titre de l'album n'est pas anodin. Les chansons ont été choisies (aussi) pour les messages qu'elles transmettent.




  1- My walking shoes (Jimmy Martin / Paul Williams)
  2- Blue memories (James O'Gwynn / Paul Williams)
  3- Do you live what you preach (Chrlie Louvin / Ira Louvin)
  4- The hills of Roane County (arranged by Paul Williams)
  5- Don't laugh (Rebe Gosdin)
  6- Little angel in Heaven (Jimmy Martin / Paul Williams)
  7- Standing tall and tough (Paul Humphrey)
  8- Insured beyond the grave (Ira Louvin / Charlie Louvin)
  9- Fraulein (Lawton Williams)
10- Pretending I don't care (Jimmy Martin / Paul Williams)
11- Once a day (Bill Anderson)
12- Those gone and left me blues (Johnny Bond / Jimmy Wakely)

On retrouve Doyle Lawson (cette fois armé d'une guitare) aux côtés de J.D. Crowe et son banjo inimitable et de Paul Williams à la mandoline. Pour leur deuxième album en trio, "Standing Tall And Tough", Crowe, Lawson & Williams reçoivent l'apport instrumental de deux membres de Quicksilver (Josh Swift et Jason Barrie) et du contrebassiste de Balsam Range, Tim Surrett. Pour leur premier album, "Old Friends Get Together", les trois anciens sidemen de Jimmy Martin au sein des Sunny Mountain Boys avaient puisé dans le répertoire de leur ancien mentor, revisitant des titres qu'ils avaient enregistrés avec lui. Si l'on retrouve sur ce deuxième album trois titres coécrits par Jimmy Martin et Paul Williams (dont l'inusable "My Walking Shoes"), les trois jeunes gens (Doyle, le benjamin du groupe n'a que 70 ans) ont diversifié leurs sources d'inspiration, rendant hommages à d'autres artistes qu'ils admirent comme les Louvin Brothers ("Do You Live What You Preach", "Don't Laugh" et "Insured Beyond The Grave"), Bill Anderson ("Once A Day") ou Johnny Bond et Jimmy Wakely ("Those Gone And Left Me Blues"). Et puis il y a les titres les plus connus (The Hills Of Roane County" et "Fraulein") qui trouvent ici une nouvelle jeunesse. Que ne l'on s'y trompe pas, si Doyle Lawson est le seul du trio à continuer à se produire régulièrement sur scène, les trois hommes sont au sommet de leur art et n'ont rien perdu de leur talent ni de leur amour de la musique. Et puisque je parle de talent, celui de Josh Swift à la "resophonic guitar" est ici confirmé de façon éclatante.