jeudi 27 décembre 2012

David Fakenahm - One Thing Remains






J'avais découvert David Fakenham un peu par hasard, en 2009, grâce à une chronique de son album "Here And Now" par l'estimable Jacques-Éric Legarde (Xroads #18) qui sortait en l'occurrence quelque peu de son registre habituel, plutôt dédié aux songwriters américains.

Un téléchargement et quelques écoutes plus tard, j'étais moi aussi séduit par cet artiste mystérieux mais dont le nom fleurait bon le pseudonyme, reposant sur un jeu de mots bilingue.


Un dimanche soir à Paris, c'était le 24 janvier 2010, David ouvrait à la Pomme d'Ève pour Bill Morrissey dont ce devait, hélas, être la dernière apparition en nos contrées. Armé de sa guitare en bois, un peu intimidé, le jeune homme nous donna un aperçu de son talent dans un registre de folksinger, reprenant même avec brio "Ring of Fire" de Johnny Cash (composition de June Carter et Merle Kilgore) et démontrant une belle culture musicale, capable de se transformer de touche à tout de studio et de talent en troubadour capable de séduire son public (malheureusement bien trop clairsemé) en face-à-face.


Il y a quelques mois, après un single deux titres simplement intitulé "2 Songs" destiné à faire patienter ses fans, il faisait entendre à quelques privilégiés son nouvel enfant, "One Thing Remains" (doté d'une illustration qui devait évoluer par la suite).



Ce nouvel enregistrement avait encore une fois été réalisé, au départ, selon le principe du DIY. David avait mis en boîte l'essentiel de ses contributions, chez lui, en août 2011. Et puis l'ami Matthieu Malon (Laudanum) était venu avec ses claviers pour enjoliver quelques titres, Pierre Schmitt avait joué quelques parties de basse. Après l'apport des amis et de la famille (Joao Lourenco à l'harmonica, Junior Fakenham à la trompette, Marie Chevalot et Nine Fakenahm aux voix), il ne restait plus qu'à mixer le tout, ce que Patrick Chevalot et David firent en deux fois deux jours en février 2012.

Voilà pour l'histoire du disque qui est, je le proclame, d'une grande qualité, ce que j'ai ressenti dès la première écoute. Il n'est pas facile d'en parler sans s'en être bien imprégné, car c'est un album qui se découvre petit à petit, que l'on ne peut pas se contenter d'entendre distraitement en vaquant à d'autres occupations.

La grande manie des chroniqueurs français, lorsqu'ils écrivent à propos d'un de leurs compatriotes qui s'exprime en Anglais, c'est de vouloir à tout prix faire des comparaisons. J'ai lu ici et là des évocations d'artistes que je connais bien (Byrds, R.E.M., Neil Young) ou beaucoup moins bien, voire très peu (Wilco, Lambchop) et je dois dire que tous ces parallèles ne me semblent justifiés qu'en un point: la qualité, celle des mélodies mais aussi celle du son car on a ici affaire à un "produit" qui ne sent pas du tout le bricolage.

La seule référence que je me permettrai ici est celle du duo franc-comtois Yules avec qui David Fakenham partage une grande culture musicale (l'héritage familial sans doute) et aussi ce goût pour la mélodie et les arrangements toujours justes, jamais surabondants, jamais trop sophistiqués. C'est le travail d'artisans qui remettent l'ouvrage sur le métier jusqu'à être satisfaits du résultat, c'est l'œuvre de musiciens qui aiment la musique, tout simplement.

Pour évoquer plus avant le contenu de "One Thing Remains", je dirai que c'est un disque qui possède une ambiance (mais pas un disque d'ambiance, nuance), qui présente un remarquable équilibre entre les morceaux, parfois d'une sombre beauté, parfois plus légers, mais toujours prenants. Dès "Bones", le titre d'ouverture, on comprend l'esprit dans lequel l'album a été réalisé, comment les instruments se complètent les uns les autres, comment les claviers de Matthieu Malon viennent apporter cette touche supplémentaire qui fait la différence.

Au long des douze plages, l'impression initiale est confortée, tout est juste, tout se met en place petit à petit. C'est comme si David avait réalisé les fondations de l'édifice, posé la première pierre avant que l'ensemble ne se mette à évoluer de lui-même, mû par une énergie propre, entraînant le créateur autant que le créateur ne l'entraîne. David confirme par ailleurs qu'il est un multi-instrumentiste de talent qui se double d'un chanteur inspiré et subtil, tout en délicatesse.

Il y a de vrais moments forts dans cet ensemble finalement homogène et sans point faible. Mes favoris sont "Nina",  une ballade émouvante, pleine d'âme et "You're My Woman", long morceau presque épique porté par une guitare majestueuse. Il y a aussi les titres plus légers (au moins dans les arrangements, mais pas dans la consistance) comme "Beautiful Guitar", l'instrumental "27" ou "One Thing Remains"qui permettent de maintenir une tonalité générale ne basculant pas trop vers le côté sombre.

Je ne peux donc que vous inviter à vous rendre sur le site de David pour tout savoir sur "One Thing Remains", et notamment comment se le procurer (en téléchargement uniquement pour l'instant).

mercredi 26 décembre 2012

Destin tragique (1) - Billy Marlowe



On était en juin 1983 et Steve Satterwhite, ingénieur du son réputé, avait investi ses dernières économies dans son rêve: un studio d'enregistrement équipé d'un Scully 8-pistes, quelque part à East Village, Fourth Street.

Il lui fallait maintenant un artiste à enregistrer. Il passa donc une annonce et, trois jours plus tard, un type à la chevelure abondante, un carnet de notes garni de chansons à la main, poussa la porte.

Son nom était Billy Marlowe. Il avait 40 ans et sa vie n'avait pas été un conte de fées, loin de là. Elle l'avait conduit de l'Oklahoma, où il était né, à San Francisco, à Louisville et Baton Rouge, et même Bruxelles et Amsterdam, sans parler de la case prison où la drogue, l'alcool et, surtout, l'insoumission l'avaient mené.



Steve Satterwhite fut immédiatement convaincu par ce qu'il entendit et fit appel à quelques musiciens talentueux du secteur qui semblaient tous connaître Billy. Le nom le plus célèbre aujourd'hui était celui de Shawn Colvin et (voix) , mais il y avait aussi Stephen Gaboury (claviers), Jeff Golub (guitare), Kenny Kosek (violon), Tony Garnier (basse)… Bref, du beau monde.

Les arrangements, l'enregistrement, tout cela prit plus d'un an. Dix titres furent finalement mis en boîte, des cassettes et quelques 33 tours furent réalisés, sans véritable plan de promotion ou de large diffusion. "Show Me The Steps" était en fait une maquette élaborée, et tout resta en l'état. 


L'époque (encore une fois merci aux modes punk et disco qui ont tué la véritable création) n'était vraiment pas favorable aux poètes songwriters. Billy Marlowe faisait partie des meilleurs, et très peu de gens en prirent conscience. Un quart de siècle plus tard, avec l'évolution de la production indépendante de musique, les choses auraient vraisemblablement été bien différentes.

Billy retourna donc à l'anonymat, composant et chantant ses chansons, continuant à se battre avec la vie, qui lui donna cependant la joie de la paternité (une fille et un garçon), jusqu'à ce jour d'août 1996 où il mourut, à 53 ans.

Steve Satterwhite n'a pas oublié Billy Marlowe. Pas loin de 30 ans après le jour où tout commença, il donne enfin au monde la chance d'entendre "Show Me The Steps". Il serait dommage de s'en priver. De grands, textes, de belles mélodies, une voix qui vous prend dès les premières notes. Le son est assez caractéristique de ce que l'on entendait au début des années 80 et nous laisse le regret de de n'avoir pu feuilleter que le premier chapitre d'un livre qui s'annonçait passionnant.
 

Voici ce qu'à déclaré sa sœur: « Billy était un perpétuel optimiste, contre toute raison; il riait des ironies de la vie et les appréciait, même quand elles ne lui étaient pas favorables.  Il aimait et respectait ses parents; il était infiniment tolérant vis-à-vis des tours que lui jouait la vie; il aimait profondément ses enfants.  Il a vécu une vie difficile. Il était excessivement humble et excessivement talentueux. Quelques heures avant sa mort, il a dit à son fils Marlowe, “j'ai écrit quelques bonnes chansons.  Je suis prêt à partir”. »

Billy Marlowe "Show Me The Steps" - NewTex Records NT6000




John Prine disque à disque - Pink Cadillac (1979)

Disons le tout net, cet album de John Prine ne figure pas parmi ses meilleurs. L'idée était bonne, pourtant: enregistrer dix titres aux légendaires Sun Studios de Sam Phillips. La production fut confiée aux fils de Sam, Knox et Jerry Phillips, Sam prenant lui-même les manettes pour deux titres ("Saigon" & "How Lucky").




Ce qui pêche, en fait, dans cet album, c'est le choix des titres. John Prine, jusque-là, a toujours davantage été un songwriter, interprète de ses propres œuvres, limitant les reprises au strict minimum, alors qu'ici la moitié des titres est empruntée à d'autres.

Bien sûr, le choix des reprises n'est pas forcément mauvais comme en témoignent "This Cold War With You", ballade sentimentale de Floyd Tillman, "Baby Let's Play House", un rock qu'Elvis avait lui-même enregistré dans les studios Sun ou encore "Killing The Blues" de Rolly Salley.


Mais John n'est jamais meilleur que lorsqu'il conte ses propres histoires et, au volant de sa "Pink Cadillac", il semble un peu en dehors, plus spectateur / auditeur qu'acteur / interprète. Il n'est pas véritablement à l'aise non plus (ou est-ce l'auditeur qui n'est pas habitué) avec la formation qui l'accompagne, formatée aux normes des studios Sun des années 50, c'est à dire un groupe de rock: guitare, basse, batterie, claviers (et saxophone).

Cela étant, cet album fait partie intégrante de la discographie de John Prine et, de sa part, un disque moyen reste un bon disque. Et puis, à l'époque où il est sorti, eu égard à la difficulté de trouver ce genre d'album (et même d'être informé de sa simple existence) dans nos provinces reculées, il aurait été inconvenant de bouder son plaisir!



  1- Chinatown (John Prine)
  2- Automobile (John Prine)
  3- Killing the blues (Rolly Salley)
  4- No name girl (Billy Joe Riley / Jack Clement)
  5- Saigon (John Prine / John Burns)
  6- Cold war (This cold war with you) (Floyd Tillman)
  7- Baby let's play house (Arthur Gunter)
  8- Down by the side of the road (John Prine)
  9- How lucky (John Prine)
10- Ubangi stomp (Charles Underwood)

John Prine: Rhythm Acoustic & Electric Guitars, Lead Vocals
Tom Piekarski: Bass
Howard Levy: Keyboards, Harmonica, Saxophone
John Burns: Lead Guitar
Angie Varias: Drums
additional musicians
Jerry Phillips: Rhythm Acoustic Guitar on "Baby Let's Play House", Sandpaper Blocks on "No Name Girl"
Leo LeBlanc: Pedal Steel Guitar on "Ubangi Stomp", "Cold War", "Down By The Side Of The Road"
Billy Lee Riley: Rhythm Acoustic Guitar, Vocal on "No Name Girl"
Phyllis Duncan, Helen Bernard, Beverley White: Vocals on "Killing The Blues", "Down By The Side Of The Road"