samedi 25 juin 2011

Peter Case et sa valise magique

Peter Case: The Case Files (Alive Records / Differ-Ant)
Peter Case: Wig! (Yep Roc Records)
The Nerves: One Way Ticket (Alive Records)
The Plimsouls: Live! Beg, Borrow & Steal (Alive Records)

http://www.petercase.com/

En convalescence après son opération à cœur ouvert en 2009, Peter Case n'est pas resté inactif. Il a fouillé dans ses archives et exhumé quelques trésors des Breakaways, Nerves et Plimsouls, ses anciens combos. Aujourd'hui, il s'attaque à son œuvre solo et nos propose onze titres tout droit sortis de sa valise, enregistrés entre le milieu des années 80 et 2009.

Voici donc "The Case Files". Les sources sont différentes, les conditions de réalisation aussi: des maquettes, des enregistrements live, des titres oubliés dans quelque carton et, pourtant, l'artiste nous propose un ensemble dont le manque de cohérence ne saute pas aux oreilles, il est même d'une consistance que pourraient lui envier beaucoup d'albums, conçus comme tels, qui sortent de nos jours. Le son est rude, souvent, mais clair en même temps, par la magie de la production; il véhicule une urgence et une énergie auxquelles, il faut bien le dire, Peter nous a habitués depuis toujours. L'esprit des Plimsouls ne s'est pas affadi avec le temps. On rencontre pêle-mêle les compagnons d'enregistrement de ses disques récents, un Plimsoul par-ci (Eddie Munoz pour "Anything (Closing Credits)", un T Bone Burnett par-là (pour une première version de "Steel Strings" à l'époque du premier album solo) ou encore Stan Ridgway ("Let's Turn This Thing Around"). Remarquable aussi est la présence du regretté Duane Jarvis, notamment sur le titre le plus expérimental du disque "Ballad Of The Minimal Wage". Quatre reprises sont au menu à côté des compositions originales. Le classique "Milk Cow Blues", le blues des Stones "Good Times, Bad Times" (pas le plus connu mais un des meilleurs), celui de Maître Bob "Black Crow Blues" (même remarque que pour les Stones) et un "The End" bien sauvage d'Alejandro Escovedo. Un disque destiné aux fans mais qui deviendra vite indispensable, non seulement à tout amateur du bonhomme (qui n'a pas épuisé, à n'en point douter, sa malle aux trésors) mais aussi à tous ceux qui ont besoin de cette conception intègre de la musique, quel que soit son genre.


Je profite de l'occasion pour parler de "Wig!" paru en 2010 et qui est passé un peu inaperçu en notre beau pays. En effet, pendant sa convalescence, Peter ne s'est pas contenté d"explorer ses archives, il a aussi enregistré un album. On aurait pu s'attendre à une collection de ballades tranquilles et l'on découvre un petit bijou de blues-rock où Peter Case a pour seuls partenaires D.J. Bonebrake (percussions diverses) et Ron Franklin (guitares et un soupçon de piano), à l'exception d'un titre enregistré en 2005 avec un groupe incluant Duane Jarvis, décédé en 2009. Manifestement, le cœur tout neuf de Peter joue bien son rôle si l'on en juge à la vitalité déployée tout au long de cet album qui se situe quelque part entre Chuck Berry et le blues revival anglais des années 60. Vital, indispensable!




The Nerves, groupe éphémère fondé en 1975 comprenait Peter Case, Paul Collins et Jack Lee. Durant sa courte existence, il n'a publié en tout et pour tout qu'un EP 4 titres, réédité depuis sous différentes formes. Cette compilation, produite en 2008 par Peter est la plus complète. Des titres studio, des titres live, des maquettes, tout y est, et même un peu plus: trois des morceaux n'ayant pas été enregistrés par les Nerves mais par, respectivement, les Plimsouls, Jack Lee & Band ou Paul Collins & Peter Case. D'une certaine manière, ce disque sonne un peu comme du remplissage (il comporte vingt titres alors que le groupe n'en a publié officiellement que quatre) mais, quoi qu'il en soit, c'est un document fondamental, le début d'une histoire qui s'est poursuivie avec the Breakaways, the Plimsouls et Paul Collins' Beat.



Rien de tel avec les Plimsouls et "Live! Beg, Borrow& Steal" puisqu'il s'agit d'un concert enregistré le 31 octobre 1981 au Whisky A Go Go, à Los Angeles, quelques mois après "One Night In America". Si ce dernier, plus court, avait un son plus sauvage, la nouvelle publication (parue en 2010) montre un groupe cohérent, sans doute l'un des meilleurs de cette époque avec les Blasters. Les Plimsouls sont déjà au sommet de leur art scénique, passant avec aise du rock au rhythm & blues, des compositions de Peter Case aux reprises de Little Richard, Bo Diddley, Larry Williams ou Ray Davies. À noter, sur deux titres, la présence des Fleshtones qui ouvraient le show en ce soir d'Halloween. "Everywhere At Once", le meilleur album du groupe, ne devait paraître qu'en 1983, mais tous les ingédients étaient déjà présents dans cet enregistrement public avec, en particulier, un "A Million Miles Away" qui démontrait le grand talent de songwriter de Peter Case.

jeudi 23 juin 2011

Audrey Auld, le soleil de Tasmanie

Audrey Auld: Come Find Me (Reckless Records)

Ceux qui me connaissent déjà et qui ont fréquenté mon blog "Blue Umbrella" savent déjà à quel point j'apprécie Audrey Auld-Mezera, que je vous avais présentée ici:

Ellenous revient aujourd'hui avec un nouvel album, son plus abouti à ce jour.

"There are a thousand ways I could show my love / A thousand songs I could sing / I can feel the grace of my family’s place / My heart is in Tasmania".


La Tasmanie, île située au sud de l'Australie dont elle est un état, est surtout célèbre pour ses diables (des marsupiaux). Elle peut aussi s'enorgueillir d'Audrey Auld, sans doute le plus beau cadeau offert aux USA. Depuis ses débuts discographiques en 1999 (l'album "Looking Back To See", en duo avec Bill Chambers, père de Kasey Chambers), elle a conquis l'Amérique (et en particulier Mez Mezera qu'elle a épousé), enchaîné les enregistrements de haute volée, démontrant d'indéniables et originales qualités de songwriter, et recueillant au passage l'hommage de ses pairs (Fred Eaglesmith, Mary Gauthier, Eliza Gilkyson, Jimmy LaFave, Kieran Kane et bien d'autres) pour ses talents vocaux et scéniques.

Elle enchante évidemment le public, aussi bien dans sa patrie d'adoption qu'en Australie où elle vient d'effectuer une tournée triomphale.

Son nouvel opus, "Come Find Me", a été enregistré à Austin sous la houlette de Mark Hallman, par ailleurs principal contributeur instrumental et nous offre douze joyaux de la plume d'Audrey, deux étant des co-compositions: "Just Love" avec Mez Mezera et "Orphan Song" avec l'auteur australien Terry McArthur. Ce dernier titre (enregistré a cappella) est dédié à Mary Gauthier, le texte en ayant été inspiré à son concepteur après une rencontre avec Mary. "Petals" est un titre dédié à John Dee Graham, légende de la scène d'Austin, survivant de tous les excès et accidents de la vie. Audrey a également écrit la chanson "Bread And Roses" pour le pénitencier de San Quentin où elle s'est souvent produite lors de ses séjours en Californie.

Rien à jeter dans cet album, vous l'avez deviné, mais "Tasmania", dont quatre vers sont cités en introduction de cette chronique, occupe une place de choix, tellement ce titre porte l'émotion à fleur de peau de celle qui se dit la fière représentante de la Tasmanie partout dans le monde. "Forty", avec le piano magique et jazzy de Michael Ramos, mérite également une citation: "J'ai quarante ans / Je suis à mi-chemin de la maison"; une chanson pour rester toujours jeune. Audrey se prend pour Johnny Cash, avec l'ombre du picking Luther Perkins (ici, c'est Phil Hurley qui est à la guitare), quand elle chante "Nails", elle évoque Rosa Park ou Martha Luther King dans "The Butterfly Effect".

Comme on le voit, les thèmes d'inspiration sont riches et variés. "Just Love" est une exception pour quelqu'un qui dit ne jamais écrire de chansons d'amour.

Audrey Auld Mezera a encore frappé fort et juste. Son nom devrait devenir plus grand encore et ce disque figurer dans la discothèque de tout amateur d'americana qui se respecte, un americana auquel Audrey apporte l'inestimable et salutaire fraîcheur d'un autre continent.

mardi 21 juin 2011

Amanda Shires dans la lumière

Amanda Shires: Carrying Lightning (amandashiresnet)
http://www.amandashires.net/Amanda_Shires/HOME.html

À la sortie de West Cross Timber", j'avais été littéralement émerveillé par la voix d'Amanda Shires, sa fraîcheur, la qualité de ses compositions, son jeu de violon. Je prenais le pari d'une confirmation rapide. Pari gagné. Carrying Lightning porte bien son titre, c'est un album de lumière, de joie, d'enthousiasme, de talent. Toujours armée de son violon, de son ukulélé et de sa voix acidulée, Amanda frappe encore, et fort, en plein cœur, pour notre bonheur. Elle débute avec Swimmer, morceau mi-chanté, mi-sifflé, qui donne le ton à l'ensemble, nous parle d'oiseaux ou d'abeilles, de trains qui n'arrivent pas quand on en a besoin (toute ressemblance avec une compagnie ferroviaire française que je ne nommerai pas est purement fortuite, d'ailleurs Amanda n'a jamais entendu parler de la SNCF). When You Need A Train It Never Comes est l'un des titres forts, un tube imparable, pour peu qu'il fût paru en d'autres temps. Detroit Or Buffalo de Barbara Keith est la seule composition qui ne soit pas de la plume d'Amanda. On en connaît aussi une reprise par Neal Casal, présent sur l'album, comme Rod Picott et David Henry (les coproducteurs), Chris Scruggs ou Will Kimbrough. Je vous défie de résister au sourire vocal, à l'archet de velours d'Amanda Shires, à ses textes inspirés, tendres, joyeux et mélancoliques alternativement (si ce n'est les trois en même temps). Bien sûr, les amateurs de heavy metal passeront leur chemin en haussant les épaules pour mieux écouter Carrying Lightning en cachette, car ce disque n'est déconseillé qu'aux êtres dénués de sensibilité.

Thrift Store Cowboys: Light Fighter (Thrift Store Cowboys /Village Records)
http://thriftstorecowboys.info/


Pour ceux qui ne le sauraient pas, Amanda Shires a aussi son côté rock comme le prouve Light Fighter (encore une histoire de lumière) de Thrift Store Cowboys. Ce groupe originaire de Lubbock, Texas, réunit une bande copains (dont Miss Shires) autour de Colt Miller et Daniel Fluitt, et s'est taillé une belle réputation sur scène depuis une dizaine d'années. On parle à son propos de "gypsy desert music", mais il est en réalité assez inclassable, mixant parfaitement rock, country ou musique tzigane. Amanda Shires est moins en avant, vocalement, dans cette formation, mais chante néanmoins deux titres de sa composition. Reste son jeu de violon tout en émotion au milieu d'un son plus brut que celui de ses œuvres en solo dont cet album est un excellent complément.

vendredi 17 juin 2011

Jubal Lee Young: Le rebelle nouveau est arrivé

Jubal Lee Young: Take It Home (Reconstruction Records / CD Baby)
http://www.juballeeyoung.com/


Voici un disque qui m'a laissé perplexe à la première écoute. Jubal Lee Young est, je le rappelle, le fils de Steve Young (et de Terrye Newkirk; ah! "My Oklahoma",) et s'était attaché jusqu'à présent à n'interpréter que ses compositions à l'exception de trois ou quatre titres (dont un de papa et un de maman).

J'attendais de lui qu'il continue à se démarquer de son père, auquel il est difficile de ne pas penser. Et voici que "Take It Home" débute par "To Satisfy You", certes une composition de Waylon Jennings, mais aussi la chanson titre d'un album de Steve Young. Deux titres passent (dont la superbe ballade "Angel With A Broken Heart") et arrivent deux reprises de Daddy (dont le célèbre "Renegade Picker" - pas un hasard, ce choix, vous comprendrez pourquoi plus loin). Manque d'inspiration sans doute.

Et puis c'est le grand coup de massue. "Don't You Dare Love Her", semble sortie du répertoire de Merle Haggard, Harlan Howard ou Buck Owens. Eh bien non! C'est une composition de JLY, la meilleure chanson country du 21ème siècle. Si vous ne me croyez pas, écoutez (si vous me croyez, vous aurez déjà écouté sans lire le reste de la chronique). Tout est là: un amour impossible, un amoureux perdant d'avance, un harmonica lancinant pour l'ambiance, une steel guitare larmoyante, et des voix, celle de Jubal et les harmonies féminines, au sommet de leur émotion. Larmes garanties dans les chaumières, mais qu'il est doux de pleurer ainsi.

À partir de là, on écoute le disque d'une autre façon et des morceaux comme "You Only Call Me" (une reprise) ou "Have You Met Me?" ne font que renforcer l'idée que l'on a affaire à un très grand disque country. En fait, la clé se trouve dans le dernier titre dont l'énoncé suffit à tout comprendre: "There Ain't No Outlaws Anymore". "There ain't no outlaws anymore / Breaking all the rules and kicking down the door / It's the same old song we've all heard before".

La chronique commence alors à prendre forme dans ma tête. Jubal Lee Young a décidé d'assumer son statut, d'accepter d'être le brillant successeur, non seulement de ses parents, mais aussi de tous ces outlaws dont l'héritage à été dilapidé, aseptisé, par la machine à laver nashvillienne. La lecture ultérieure des notes de pochette du disque (qui ne figurent pas sur la pochette mais sur le site web de l'artiste) ne fait que confirmer mon point de vue puisque c'est dans les grandes lignes ce qu'écrit Jubal Lee Young.

La musique country a besoin de ces rebelles, de ces renégats, de ces hors-la-loi dont il a décidé, faisant fi des inévitables références à son père, de devenir le porte-drapeau. Ce n'est qu'un (superbe) début, qui continuera le combat?

jeudi 16 juin 2011

Sweet Revenge, 16 juin 2011

Les artistes folk nord-américains parcourent l'Europe et, sans parler du Royaume-Uni où ils sont quasiment chez eux, ils ont une cohorte d'admirateurs aux Pays-Bas, en Scandinavie, en Allemagne. En revanche, malgré leur désir de jouer en France, ils en trouvent rarement l'opportunité. La faute à qui? Certainement pas au Cinéma Jean Vigo de Gennevilliers qui propose chaque mois une affiche de qualité devant, malheureusement, une salle trop peu remplie. Le dernier concert de la saison, le 18 juin, présentera la Britannique Jancis Harvey avec Heather Joyce, Anglo-Canadienne et Parisienne d'adoption. Deux jours plus tard, un autre organisateur, qui ne manque pas de bon goût, vous propose d'entendre le 20 juin, les Canadiennes de Madison Violet qui se produiront au Sentier des Halles. Deux rendez-vous à ne pas manquer, avant la Fête de la Musique, pour mieux aborder l'été.




Madison Violet est un duo féminin composé de Brenley MacEachern et Lisa MacIsaac, qui chantent, composent et jouent de la guitare. Elle sont originaires de Nouvelle Ecosse, au Canada, et No Fool For Trying (True North Records) est leur troisième album. Depuis leurs débuts, elles ont évolué d'un style plutôt pop à un Americana du meilleur tonneau. Les amateurs de belles mélodies et d'harmonies vocales aériennes trouveront ici plus que leur compte. Madison Violet est sans doute le meilleur duo féminin en provenance du Canada depuis les sœurs McGarrigle avec qui on trouve beaucoup de points communs, notamment la qualité du songwriting. Pas de confusion cependant, Brenley et Lisa sont bien de leur temps, et l'on sent que leur folk s'est nourri à la source du rock. Les textes sont souvent autobiographiques, teintés de tristesse quand il s'agit d'évoquer des disparus comme le frère de Brenley (« The Woodshop »), tragiquement assassiné, ou Denny Doherty, des Mamas and Papas (« Hallways Of Sage »). Les guitares me font souvent penser à Neil Young dans ses moments acoustiques, la production de Les Cooper (qui joue par ailleurs de différentes guitares ou de claviers) est au dessus de tout reproche. Pour moi, les meilleurs titres sont ceux où Lisa sort son violon, parfois rejoint par la mandoline de Les ou le banjo de Chris Coole.





Au Canada toujours, David Francey vient de publier son neuvième album Late Edition (Laker Music). Ce natif d'Ecosse, à la voix chaude et aux textes pleins d'une humanité aux accents poétiques s'est entouré ici de véritables pointures: Kieran Kane (mandoline, banjo, guitare), Fats Kaplin (violon, accordéon, guitare), Richard Bennett (guitare, bouzouki) et Lucas Kane (fils de Kieran (batterie). Le titre de l'album est dû au fait que la plupart des titres ont été écrits en réaction à l'actualité, qu'elle soit personnelle, locale ou internationale. Comme d'habitude, avec David, on savourera la qualité des textes, la proximité d'un artiste que l'on écoute comme un vieil ami qui aurait écrit les chansons rien que pour nous. Mais le plaisir est aussi dans la richesse de la mise en son de cet album enregistré dans les conditions du live dans un studio de Nashville. On goûte les interventions de chacun des invités, sans réserve aucune. Un grand cru.




Bruce Cockburn, un autre Canadien, a lui plus de quarante ans de carrière et une trentaine d'albums à son actif. Il est respecté de tous, même si sa célébrité n'est que toute relative chez nous. Cinq ans après son dernier album studio, l'infatigable défenseur des causes nobles (paix, justice, écologie, démocratie), chanteur engagé s'il en fût, n'a rien perdu de sa pugnacité comme en témoigne Small Source Of Comfort (True North Records) et continue à parcourir le monde armé de sa guitare. C'est ainsi que l'Afghanistan lui a inspiré deux titres, « The Comets Of Kandahar » et « Each One Lost », le second étant dédié à deux jeunes soldats canadiens tués au combat. Du vécu! Sur le plan musical, Bruce a souhaité avec ce disque s'éloigner des sons noisy et des guitares saturées qui caractérisaient ses derniers enregistrements. On a donc ici affaire à une collection des titres plus folk, plus acoustiques dont la production a été confiée à Colin Linden, par ailleurs multi instrumentiste. Ceux qui connaissent la qualité et le talent de ce Monsieur ont sans doute déjà acheté le disque, les yeux fermés. Et je suis sûr qu'ils savent aussi quel guitariste, adepte du fingerpicking, est Bruce Cockburn, qui n'est pas seulement un songwriter. Les instrumentaux, au nombre de cinq, délicieusement teintés de jazz (grâce en particulier au violon de Jenny Scheinman), conférent à ce bel album l'aspect de bande son d'une tranche de vie, celle d'un observateur du monde et de ses turpitudes qui prend le temps de s'arrêter pour le faire point, de notre vie aussi, d'une certaine façon.








Emma Hill fait figure de gamine et, à vingt-trois ans, pourrait être la petite-fille du troubadour canadien. Après deux albums solo (le deuxième paru il y a quelques mois seulement), c'est sous l'appellation Emma Hill & Her Gentlemen Callers que cette native de l'Alaska nous propose aujourd'hui Meet Me At The Moon (Shut Eye Records / CD Baby). Le disque se situe cependant dans la droite ligne du précédent (Clumsy Seduction), plein de ballades folk indie ou alt country, où la guitare et la voix d'Emma sont agréablement soulignées par la pedal steel ou le banjo de Bryan Daste. L'ensemble est frais, mélodieux, les textes sont inspirés et poétiques, révélant au passage la grande maturité de cette jeune femme. C'est un disque qui plaira aux amateurs de Kathleen Edwards, de Caitlin Cary (Whiskeytown) ou des Be Good Tanyas, un disque qui a tout pour séduire, et qui y parvient. Le véritable challenge, pour Emma, sera de surnager dans un genre où les demoiselles de talent ne manquent pas.








Je n'avais jamais entendu parler de Cahalen Morrison & Eli West avant que l'on ne me donne à écouter The Holy Coming Of The Storm (Lucky Dice Distribution) et c'est une des belles révélations de l'année. Les amateurs de string bands et d'old timey ne peuvent qu'adorer, et ne s'en privent pas! C'est un véritable festival de Clawhammer banjo, bouzouki, mandoline, sans oublier quelques guitares, que nous offrent les deux compères avec le renfort de quelques amis dont l'excellent Matt Flinner, dont la virtuosité à la mandoline est appréciée des spécialistes. Quatorze titres, originaux à l'exception de deux traditionnels, nous embarquent dans cette Amérique, au son de cette musique qui est comme "un langage naturel qui provient d'un endroit où force et tendresse se rencontrent". C'est beau et c'est bien fait. Un disque rafraîchissant et vivifiant.








Tim Grimm est un songwriter et comédien qui a déjà derrière lui une belle carrière et quelques albums à la frontière du folk et de la country music. Ce chantre de l'Amérique rurale a cette fois-ci choisi de rendre hommage à un de ses glorieux aînés, un de ses maîtres en songwriting avec un album au titre explicite: Thank You Tom Paxton (Vault Records / CD Baby). Le disque, co-produit avec le guitariste Jason Wilber (habituel partenaire de John Prine, autre influence majeure de Tim) revisite douze titres de l'auteur de « Ramblin' Boy » ou « The Marvelous Toy ». Si ces deux standards sont ici absents, d'autres classiques reçoivent un nouvel habillage dont l'inoubliable « Last Thing On My Mind » (dont je collectionne les versions), « Fare Thee Well, Cisco » ou « How Beautiful Upon The Mountain ». Un bel hommage, avec évidemment les limites du genre, c'est à dire un répertoire totalement non original. Cela posé, c'est fait avec goût, talent et sincérité. Et Papy Tom (73 ans) mérite bien ce coup de chapeau, de son vivant.








Il est toujours question d'Amérique rurale avec Mark Jungers et son cinquième album studio More Like A Good Dog Than A Bad Cat (American Rural Records / CD Baby). Je vous avais déjà présenté Whistle This, son album live paru en 2009 (Xroads #27). Son nouvel opus confirme tout le bien que je pense de lui et si l'influence de gens comme John Mellencamp (tendance campagnarde) peut toujours être évoquée, on pense aussi, au long des treize titres de cet album, à Tom Petty et aux Traveling Wilburys, à la fois pour le timbre de voix et l'ambiance joyeuse et décontractée de l'ensemble. Mark est un artiste naturel qui a choisi de le rester, optant ainsi pour une technique totalement analogique qui met parfaitement en valeur l'esprit qui a présidé à la réalisation de l'œuvre (entièrement due à Mark). À l'exception de « Heel To Toe » de Phil Stevens, Mark Jungers a composé l'ensemble des morceaux, partageant l'écriture de deux titres avec Adam Carroll et d'un avec Owen Temple, deux beaux noms du songwriting texan. Je n'oublierai pas de signaler la présence (en plus de celle de son groupe The Whistling Mules) de l'excellente Susan Gibson pour quelques parties vocales du meilleur aloi.













Tokyo Rosenthal, ancien boxeur, a déjà eu les honneurs de ces colonnes avec Ghosts, son précédent album (Xroads #28). Son nouveau disque nous pose une question fondamentale: Who Was That Man? (Rocks & Socks Records / Hemifrån). Et qui est vraiment Tokyo Rosenthal? C'est en tout cas un artiste plein d'enthousiasme et de talent, un de ceux sur lesquels mise l'excellent Peter Holmstedt (avec son label Hemifrån). Le visuel du disque, inspiré d'une vielle série TV américaine intitulée The Lone Ranger donne une idée du contenu, porté par une instrumentation essentiellement acoustique où se distinguent le fiddle de Bobby Britt et la pedal steel de Allyn Love. La voix est toujours aussi chaude, les mélodies inspirées et le talent de raconteur d'histoires de l'ami Toke s'est encore affirmé. La section rythmique (Chris Stamey – qui co-produit – à la basse et Will Rigby à la batterie) assurent un tempo sans faille et l'unité d'ensemble qui faisait légèrement défaut aux opus précédents. Bref, c'est de la belle ouvrage, un album qui se fait rapidement une place dans les chaumières européennes. Toke Rosenthal sera d'ailleurs en tournée sur notre continent à partir de fin septembre et voudrait jouer en France (c'est même un besoin pour lui). Avis aux amateurs (et organisateurs).









Steve Spurgin est une légende. Sa carrière professionnelle approche le demi-siècle mais, avant de se mettre à la guitare folk dans les années 60, il avait découvert la musique par le piano classique et le cor anglais. Il a aussi joué de la batterie pendant une quinzaine d'années avec des groupes de rock ou de bluegrass électrique (avec Byron Berline notamment) avant de penser à une carrière solo. Ainsi naquirent Distant Faces en 1996, Tumbleweed Town en 2002 (avec, pour ne citer que les plus prestigieux des musiciens, Byron Berline, Chris Hillman et Herb Pedersen) et aujourd'hui Past Perfect (Blue Night Records), un disque enregistré avec des amis de grand talent, musiciens de bluegrass reconnus: Rob Ickes à la resonator et Adam Steffey à la mandoline sont deux noms qui suffiront à susciter l'intérêt des amateurs. Cela étant, si l'instrumentation est essentiellement bluegrass, on n'a pas ici affaire à une version intégriste du genre mais à un grand disque de singer-songwriter qui s'est paré des couleurs de l'herbe bleue. Des titres comme « Collar To The Wind » ou « The Light Of Reno » s'insinuent très vite en vous et la reprise de « Song For A Winter's Night » de Gordon Lightfoot finit de convaincre que Past Perfect est un grand disque, plein de talent et de chaleur humaine, un de ceux qu'on a envie de faire découvrir aux amis de passage. C'est d'ailleurs l'amitié qui a présidé à sa réalisation, et cela est plus que sensible à l'écoute.








Pour terminer, un disque qui appartient à la sous-rubrique download only et, là encore, il est dû à l'ami Joe Phillips qui cette fois nous propose l'album de Doc Merwin, It's Just Been Life (WildCat Recording). Andy "Doc" Merwin a 65 ans et il s'agit de son premier album solo, le couronnement – je l'espère – d'une carrière commencée à la fin des sixties. Doc a beaucoup joué pour les autres, a fait partie de quelques groupes, à traversé les hauts et les bas de l'existence d'un musicien rock et, pour la première fois, nous propose sa musique. Quatorze titres de sa plume, rien que sa voix et ses guitares (avec une apparition de Barry Marshall au saxophone): un festival de talent, une musique entre folk et blues toujours teintée d'une vitale énergie rock 'n' rollienne. Doc est l'un des guitaristes parmi les plus brillants et les plus inspirés entendus depuis longtemps et c'est quelqu'un qui a encore beaucoup de choses à dire. « J'ai donné à Joe Phillips, le producteur, presque assez de matériel pour deux albums, et j'ai écrit de nouvelles chansons depuis, c'est pourquoi j'éspère que vous serez sufisamment nombreux à acheter le disque pour inciter Joe à produire le second! ». Chiche?








C'est tout pour ce mois-ci, folkeux, et c'est déjà pas mal, comme dirait un ami!












jeudi 9 juin 2011

John Prine disque à disque - Sweet Revenge (1973)



1- Sweet revenge (John Prine)
2- Please don't bury me (John Prine)
3- Christmas in prison (John Prine)
4- Dear Abby (John Prine)
5- Blue umbrella (John Prine)
6- Often is a world I seldom use (John Prine)
7- Onomatopeia (John Prine)
8- Grandpa was a carpenter (John Prine)
9- The accident (Things could be worse) (John Prine)
10- Mexican home (John Prine)
11- A good time (John Prine)
12- Nine pound hammer (Merle Travis)


John Prine: Vocals, acoustic guitar
Reggie Young: Electric guitar,acoustic guitar
Steve Goodman: Electric guitar, acoustic guitar, harmony vocals
David Briggs: Piano, organ
Mike Leech: Bass
Kenny Malone: Drums
Cissy Houston: Background vocals
Deirdre Tuck: Background vocals
Judy Clay: Background vocals
John Christopher: Acoustic guitar
Dave Prine: Dobro, abnjo
Raun McKinnon: Harmony vocals
Grady Martin: Dobro, acoustic guitar
Jerry Shook: Harmonica
Steve Burgh: Electric guitar, acoustic guitar
Kenny Ascher: Electric piano
Hugh McDonald: Bass
Steve Mosley: Drums
Ralph McDonald: Percussion
Bill Slater: Percussion
Doyle Grisham: Steel guitar
Bobby Wood: Piano
Arif Mardin: Horn Arrangements


Produit par Arif Mardin

"Sweet Revenge" est le troisème volet de la trilogie magique de John Prine. Il marque la fin d'un cycle, comme on le constatera par la suite. C'est le disque le plus country de John pour cette première moitié des seventies. Il a d'ailleurs été, dans sa grande majorité (9 titres sur 12), enregistré à Nashville, avec des musiciens locaux.


"Sweet Revenge" confirme que John Prine fait partie des plus grands songwriters de son temps, les mélodies sont tout autant inspirées que les textes. L'humour, toujours teinté d'auto-dérision et de second degré tient encore dans ce disque une place importante comme le démontrent plusieurs titres: "Onomatopeia", "The Accident" ou le désoplilant "Dear Abby", enregistré en public.



Il y a aussi la reprise de "Nine Pound Hammer", de Merle Travis qui permet à Steve Goodman de montrer encore une fois son talent à la 6 cordes.


"Grandpa Was A Carpenter" est un portrait plein d'amour et de nostalgie. D'autres belles ballades: "Christmas In Prison", "A Good Time" et "Mexican Home" donnent la tonalité générale de cet album, qui balance toujours entre humour et tendresse, quand les deux ne sont pas réunis dans le même titre.


Je garde pour la fin deux morceaux. Il y a d'abord le morceau titre qui a donné son nom à ma nouvelle rubrique mensuelle sur Xroads (qui trouvera d'ailleurs un prolongement, prochainement, ici-même).


Et puis il y a "Blue Umbrella" qui rappellera à certains le titre de mon autre blog et qui, pour moi, reste une des plus belles chansons d'amour (ou de rupture) du vingtième siècle, à jamais dans mon top 10 personnel, avec ces mots superbes:


"Feelings are strange
Especially when they come true
And I had the feeling
That You would be leaving soon
...
Blue umbrella rest upon my shoulder
Hide the pain
While the rain
Makes up my mind
...
Just give me one good reason
And I promise I won't ask you anymore
Just give me one extra season
So I can figure out the other four"


... à suivre avec "Common Sense", bientôt...