mercredi 24 août 2011

The Good Intentions de Liverpool à Los Angeles

The Good Intentions: Someone Else's Time
Boronda Records 00002


Il est parfois des apparences qui trompent. Lorsque j'ai reçu ce disque par la grâce de Peter Holmstedt et Hemifrån, j'étais persuadé de découvrir un groupe américain de plus, d'autant plus que les noms bien connus de Rick Shea (ancien compagnon de Dave Alvin au sein des Guilty Men, à la production et à divers instruments à cordes), David Jackson (basse et accordéon), Brantley Kearns (violon) ou Eric Brace (voix) me confortaient dans cette certitude

Que nenni! Le trio composé de R. Peter Davies, Gabrielle Monk et Francesco Roskell est en fait originaire de Liverpool, England et cet album est son deuxième.

Peu importe l'origine, c'est ici d'Americana qu'il est question et la route de Liverpool à Los Angeles a superbement été pavée par ces Bonnes Intentions. On est dans un ambiance acoustique à base de guitares, banjo et autoharpe. Onze ballades, toutes de la plume de R. Peter Davies nous font voyager dans une époque révolue, à l'image des photos sépia qui illustrent le livret.

Amateurs de la Carter Family, de Willian Welch & David Rawlings, de Barry & Holly Tashian, ce disque est pour vous. Il ne révolutionne certes rien mais vous accompagne simplement vers le temps de quelqu'un d'autre, un temps qui peut devenir le vôtre.

mardi 23 août 2011

John Prine disque à disque - Bruised Orange (1978)

Voici la chronique de ce premier album de John Prine pour le label Asylum, telle qu'elle a été publiée dans le hors-série Crossroads "1976-1978 - 109 albums essentiels".



Si je ne devais retenir qu'un titre de "Bruised Orange", cinquième album de John Prine, ce serait sans doute le dernier, "The Hobo Song". Pour ses arrangements et son instrumentation; pour son "Hobo Chorus"; pour son texte et sa mélodie qui en font instantanément un classique du folk américain. Mais c'est peut-être le morceau le moins "prinien" de l'ensemble qui recèle bien d'autres trésors.

En 1975 était sorti le quatrième album de John sur Atlantic, "Common Sense", produit par Steve Cropper. Ce fut le premier à entrer dans le top 100 des charts, mais ce fut aussi le moins satisfaisant sur le plan artistique. Les compositions n'étaient pas en cause mais la production maison en altérait gravement l'esprit, plaçant John au milieu de la route, une route qu'il ne souhaitait pas suivre.

1978: notre homme plante un nouveau décor. Tout d'abord, un changement de label: John Prine quitte Atlantic pour Asylum, le petit label devenu grand qui laisse encore les artistes décider. Ensuite, un nouveau producteur, Steve Goodman, l'ami de toujours et un retour au pays. L'album est en effet enregistré entre janvier et mars à Chicago et non plus à Memphis et Los Angeles comme le précédent. Autre élément important, John Prine a cette fois pris son temps, évoluant dans son style, en particulier dans la concision de l'écriture, forgeant ce qui allait devenir sa marque de fabrique.

Dès les premières notes, on est aussi frappé par l'évolution du son, plus varié. Une première explication peut être trouvée dans la présence de Jim Rothermel. Ce magicien des instruments à bouche en tous genres, déjà entendu avec Steve Goodman, mais aussi avec Jesse Colin Young ou Van Morrison (dans "Veedon Fleece"), apporte des couleurs nouvelles et cela dès "Fish And Whistle" où il joue, précisément, du penny whistle. On le retrouvera plus loin au saxophone, à la clarinette, au recorder, intervenant toujours à propos, sans envahir.

D'une manière générale, et on peut en attribuer le mérite au producteur, il y a toujours cet équilibre entre une instrumentation relativement riche et des textes conçus pour être interprétés en public, avec une simple guitare acoustique. Jamais le message de l'auteur n'est masqué ou étouffé, bien au contraire. L'humour incisif et corrosif de John Prine n'a jamais trouvé un écrin qui lui convenait si bien. Car l'humour et l'ironie sont toujours présents, même dans ce qui pourrait être une chanson d'amour, "Aw Heck": "The cannibals can catch me / And fry me in a pan / Long as I got my woman". À noter que le titre du morceau n'existe que parce qu'il fallait bien une rime à "And put her loving arms around my neck"! Parler d'amour, oui, mais sans s'attendrir!

Humour toujours dans ce qui deviendra un pilier des concerts de John Prine, ce "That's The Way That The world Goes 'Round", qui déclenche l'hilarité du public, avec un sens de l'auto-dérision qui n'est pas si commun.


Sur le plan musical, il y a un relatif équilibre entre des ballades, jamais mièvres (à l'exception notable de "If You Don't Want My Love", coécrit avec Phil Spector) et les titres plus rythmés. Parmi les titres forts, il y a "Bruised Orange (Chain Of Sorrow)", petite réflexion philosophique sur la colère et son inutilité: "For a heart stained in anger / Grows weak and grows bitter / You become your own prisoner / As you watch yourself / Sit there / Wrapped up in a trap / Of your very own chain of sorrow". "Sabu Visits The Twin Cities Alone" décrit la solitude de l'artiste sur la route: une clarinette, un accordéon, une ambiance, une grande chanson avec quelques phrases magnifiques.

Et puis il y a "The Hobo Song", un modèle. Intrumentation sobre: guitare, harmonica, dobro et mandoline interviennent tour à tour, magnifiques. Le texte est en partie chanté, en partie récité, dégageant une poignante nostalgie que vient renforcer le "Hobo Chorus", un goupe d'amis et d'invités (parmi lesquels Ramblin' Jack Elliott, Jackson Browne et James Talley) reprenant en chœur ce refrain: "Please tell me where have the hobos gone to / I see no fire burning down by the rusty railroad track / Could it be that time has gone and left them / Tied up in life's eternal travelin sack". Constat désabusé de la disparition d'une certaine Amérique, celle de Woody Guthrie, celle des grands espaces, ce titre a un pouvoir évocateur sans pareil. Quand je l'entends, je vois la poussière soulevée par les talons du hobo qui poursuit son errance. C'est un morceau que j'écoute en boucle, à chaque fois. Un bien belle conclusion pour un album qui reste parmi les favoris des admirateurs de John Prine.


Titres:
1- Fish and whistle (John Prine)
2- There she goes (John Prine)
3- If you don't want my love (John Prine / Phil Spector)
4- That's the way that the world goes 'round (John Prine)
5- Bruised orange (Chain of sorrow) (John Prine)
6- Sabu visits the twin cities alone (John Prine)
7- Aw heck (John Prine)
8- Crooked piece of time (John Prine)
9- Iron ore Betty (John Prine)
10- The hobo song (John Prine)

Muisciens:
John Prine: vocals, acoustic guitar
Sid Sims:bass
Tom Radtke: drums, tambourine, percussion, finger cybal, handclaps
John Burns: electric guitar, background vocals, acoustic guitar, rhythm guitar
Jim Rothermel: penny whistle, alto sax, tenor recorder, soprano recorder, soprano sax, clarinet, tenor sax
Steve Goodman: background vocals, harmony vocal, acoustic guitar, electric guitar, rhythm guitar, handclaps
Len Dresslar: background vocals
Don Shelton: background vocals
Bob Bowker: background vocals
Leo LeBlanc: pedal steel guitar, Dobro
Corky Siegel: harmonica, piano
Bonnie Herman: background vocals
Jackson Browne: harmony vocals
Howard Levy: piano, accordian
Vicky Hubly: background vocals
Kitty Haywood: background vocals
Alan Barcus: strings
Diane Holmes: background vocals
Mike Utley : organ, piano
Bonnie Koloc: harmony vocal
Bob Hoban: piano
Harry Waller: handclaps
Mike Jordan : handclaps
Steve Rodby: acoustic bass
Sam Bush: electric guitar
Jethro Burns: mandolin
Hobo Chorus: Dan Cronin, Ramblin' Jack Elliott, John Burns, Bryan Bowers, Sam Bush, John Cowan, Jethro Burns, Fred Holstein, Steve Goodman, Harry Waller, Mike Jordan, Tom Hanson, Hank Neuberger, Tom Radtke, Jim Rothermel, Sid Sims, Earl Pionke, James Talley, Ed Holstein, Aldo Botalla, Mike Urschel, James McNamara, David Prine, Al Bunetta, Tyler Wilson, Bob Hoban, Jackson Browne, Tim Messer

samedi 20 août 2011

John Prine disque à disque - Common Sense (1975)


Disons le tout net. "Common Sense" n'est pas le meilleur album de John Prine. J'avais écrit que "Sweet Revenge" marquait la fin d'un cycle mais cette nouvelle livraison ne constitue pas le début d'une nouvelle période. C'est tout au plus une parenthèse, peut-être un disque résultant d'obligations contractuelles envers Atlantic. Et puis, en face, il y a l'émergence d'un autre nouveau Dylan (ils ont eu cette même étiquette à leurs débuts) du nom de Bruce Springsteen. Mais John n'est et ne sera jamais que Prine, et c'est déjà beaucoup.

L'inspiration semble absente, John semble avoir épuisé la mine qui avait fourni le matériel de ses trois premiers albums. Bien sûr, il y a encore quelques perles (qui d'autre aurait pu intituler une chanson "Come Back To Us Barbara Lewis Hare Krishna Beauregard"?) et, à y écouter de plus près, on se rend compte que ce disque aurait pu être meilleur, en rectifiant quelques détails.

Le gros point noir, en fait, est la production. Le pourtant très respectable Steve Cropper a été désigné (commis d'office?) par la maison mère, et c'est sans doute là où le bât blesse le plus. Steve a tenté de donner à l'ensemble un côté pop-funk à visées commerciale qui ne sied guère à notre songwriter favori (le mien en tout cas). Là où Arif MArdin avait réussi à saisir l'esprit de l'artiste, Cropper passe à côté.

Cela écrit, un disque moyen de John Prine vole néanmoins bien au-dessus de nombre des oeuvres contemporaines. Mais la même année sont parus "Blood On The Tracks" et "Born To Run", deux des albums majeurs de la décennie (et même du vingtième siècle), alors...

Mais ne boudons pas notre plaisir, et écoutons sans retenue "He Was In Heaven Before He Died, "Wedding Day In Funeralville", ou pur John Prine, ou la reprise de "You Never Can Tell" de Chuck Berry

1- Middle man (John Prine)
2- Common sense (John Prine)
3- Come back to us Barbara Lewis Hare Krishna Beauregard (John Prine)
4- Wedding day in Funeralville (John Prine)
5- Way down (John Prine)
6- My own best friend (John Prine)
7- Forbidden Jimmy (John Prine)
8- Saddle in the rain (John Prine)
9- That close to you (John Prine)
10- He was in heaven before he died (John Prine)
11- You never can tell (Chuck Berry).

Avec, par ordre d'entrée en disque:
John Prine: Vocals
Peter Bunetta: Drums, Background Vocals
Tommy Cathey: Bass
James Brown: Piano, Organ
Steve Goodman: Acoustic Guitar, Electric Guitar
Wayne Jackson, Andrew Love, Jack Hale, James Mitchell, Lewis Collins: Horns
Larry Muhoberac: Piano
Rick Vito: Electric Guitar, Slide Guitar
Paul Cannon: Electric Guitar
Leo LeBlanc: Steel Guitar
Jackson Browne: Background Vocals
John David Souther: Background Vocals
Glenn Frey: Background Vocals, Electric Guitar
Carl Marsh: String Arrangements
Bonnie Raitt: Harmony Vocals
Herb Pedersen: Background Vocals
Donald "Duck" Dunn: Bass
Alan Hand: Piano, Background Vocals
Mailto Correa: Congas & Percussion
Brooks Hunnicut: Background Vocals
Pat Coulter: Background Vocals
Gwenn Edwards: Background Vocals
Steve Cropper: Electric Guitar
Jim Horn, Chuck Findley, Jackie Kelson: Horns
Steve Spear: Bass
Danny Cronin: Background Vocals
Greg Jackson: Background Vocals
Al Bunetta: Background Vocals

Suzy Bogguss: le coup de cœur de l'été

Suzy Bogguss - American Folk Songbook
Loyal Dutchess Records LDR 1006


Quand elle ne chante pas au sein de Wine, Women & Song avec Matraca Berg et Gretchen Peters, Suzy Bogguss enregistre des disques en solo. Son dernier, "Sweet Danger", paru en 2005, nous a une fois de plus démontré qu'elle fait partie des grandes et belles voix de l'Amérique.

Cette voix, elle la met au service du répertoire traditionnel de son pays, réinterprétant à sa façon quelques-uns de titres les plus célèbres: "Wildwood Flower", "Banks Of The Ohio", "Shady Grove", "Shenandoah", "Wayfaring Stranger", "Beautiful Dreamer"... 17 titres en tout nous sont ainsi offerts, pour notre plaisir, un plaisir qui naît de celui que Suzy a manifestement éprouvé en les chantant.

À ses côtés, quelques grands noms comme Pat Bergeson, Stuart Duncan, Charlie Chadwick, Jeff Taylor,sans oublier Doug Crider (son mari) et Gretchen & Matraca. Quoique non crédité sur le disque, Jerry Douglas est présent et son dobro magique enchante "Banks Of The Ohio".

Un livre accompagne le disque 96 pages, il propose les partitions et les textes ainsi que l'histoire de de chaque chanson.


On peut acheter (ou se faire offrir) le CD et le livre, ou le CD seulement ou le livre seulement (ou même aucun des deux si l'on veut se contenter d'un téléchargement). On peut commander ici.

C'est frais, c'est beau, et c'est hautement recommandé.

mercredi 10 août 2011

Le scandale Boone Creek

Boone Creek
(Rounder Records 0081 - © 1977)


En 1977, Ricky Skaggs était encore tout jeune, à peine 23 ans. Il avait pourtant déjà une belle carrière derrière lui, jugez en: il avait fait partie des Clinch Mountain Boys de Ralph Stanley,des Country Gentlemen et du New South de J.D. Crowe, sans oublier le duo précoce qu'il formait avec le regretté Keith Whitley. Il avait également publié en 1975 un album solo, "That's It!", essentiellement instrumental puisque seul trois titres étaient chantés. Un par Ricky, un par daddy Hobert et un par mummy Dorothy.

Je connaissais Ricky par ses participations aux albums d'Emmylou Harris et son appartenance à son Hot Band, lorsqu'un jour de septembre 1979 je découvris, dans un magasin depuis longtemps défunt de Châlons sur Marne (ville également disparue puisqu'elle a depuis été rebaptisée Châlons en Champagne) un disque (paru deux ans plus tôt) dont l'illustration est reproduite ci-dessus. Un nom inconnu (rappelez vous, c'était une vingtaine d'années avant la véritable explosion d'internet), quatre visages, c'était tout.

Heureusement, il y avait beaucoup de lecture au verso. Le temps magique des 33 tours en vinyle nous offrait cette possibilité: lire les disques avant de les acheter et de les écouter. Les visages avaient des noms: Ricky Skaggs, Wes Golding, Jerry Douglas et Terry Baucom. Inutile de préciser que "Boone Creek" ne resta pas en rayon une minute de plus!

Ainsi donc, Ricky Skaggs n'était pas qu'un sideman, un mandoliniste et violoniste hors pair (qui démontra par la suite son habilité à bien d'autres instruments) et un vocaliste ténor dans la lignée des plus grands, à commencer par Maître Bill. Il était aussi un chef de bande qui partageait ici le leadership vocal avec Wes Golding.

C'était pour moi, néophite en bluegrass, une véritable révélation, comme l'était celle de l'immense talent, jamais démenti depuis, de l'as du Dobro, Jerry "Flux" Douglas.

Douze titres plus tard, partagés entre traditionnels, compositions originales (de Wes Golding) et reprises (Bill Monroe, Lester Flatt, Harry McAulife, Ruby Rakes), j'étais convaincu d'avoir découvert un très grand groupe de bluegrass moderne. Je le pense toujours.

En 1978, Boone Creek publia chez Sugar Hill un second album, "One Way Track", également excellent. Et puis Ricky partit chez Emmylou à plein temps, la belle aventure prit donc fin.

Mais, car il y a un "mais", je dois dénoncer ici un véritable scandale. Si le "sophomore album" a été réédité en CD en 1991 par Sugar Hill, enrichi de trois titres bonus live (dont "Paradise" de John Prine), Rounder Records n'a jamais daigné en faire autant pour le trésor qui dort dans ses tiroirs.

Bien sûr, la technologie a permis à l'heureux possesseur du précieux vinyle que je suis de le "ripper" sur un CD-ROM,mais je pense à tous ceux qui n'ont pas la même chance.

Alors, Monsieur Rounder, puisque je sais que tu me lis assidûment, fais un effort. J'en ferai un aussi, et je me fendrai avec plaisir de 20$!

lundi 8 août 2011

Jim Lauderdale: Bluegrass DeLuxe

Jim Lauderdale - Reason and Rhyme
Bluegrass Songs by Robert Hunter & Jim Lauderdale
(Sugar Hill Records SUG-CD-4070)


Jim Lauderdale est un grand songwriter. Mais pas seulement. En qualité d'interprète, il a une vingtaine d'albums à son actif, en solo, mais aussi avec Ralph Stanley & The Clinch Mountain Boys (2 disques) ou Donna & The Buffalo.

Il s'est souvent associé pour le songwriting avec une autre légende, l'ex-partenaire de Jerry Garcia, Robert Hunter (dont nous n'oublierons pas qu'il a aussi produit quelques beaux albums sous son nom dont "Tales Of The Great Rum Runners" en 1974 et "Tiger Rose" en 1975).

Ensemble, en plus de qelques collaborations occasionnelles, ils ont déjà co-écrit deux albums entiers: "Headed For The Hills", en 2004, avec au générique un casting des plus prestigieux, et "Patchwork River" en 2010.

Pour leur troisième travail commun, Jim et Robert ont enrichi le répertoire bluegrass de onze joyaux supplémentaires. Rien à dire sur ce qui nous est ici proposé. mélodies, textes, tout est frappé au sceau de la classe. C'est du grand art, tout simplement.

Et pour servir au mieux ce menu de fin gourmet, nos deux chefs de rang ont enveloppé la voix de velours de Jim d'un enrobage confectionné par quelques maîtres en la matière: Mike Compton (mandoline), Jay Weaver (basse), Scott Vestal (banjo), Tim Crouch (violon), Clay Hess (resonator et harmonies), sans oublier la participation vocale d'Ashley Brown sur "Don't Tempt The Devil (With Your Love)".

What else? Rien! Je me tais et vous écoutez...

lundi 1 août 2011

Donna Ulisse: Singer, Songwriter, Bluegrass Poet

Donna Ulisse – An Easy Climb
Hadley Music Group HMG1007



Les fidèles (et nostalgiques) lecteurs de Xroads s'en souviennent peut-être. Les amateurs de bluegrass aussi. Ceux qui cumulent les deux qualités ne peuvent pas avoir oublié mes chroniques élogieuses, voir dithyrambiques, des deux albums de Donna Ulisse parus respectivement en 2009 (Walk This Mountain Down", Xroads #21) et en 2010 ("Holy Waters", Xroads #21). Les autres pourront se rafraîchir la mémoire en consultant les archives de ce blog.

Donna aime écrire, elle aime chanter, elle aime se produire en public avec son groupe "The Poor Mountain Boys". Alors elle écrit, elle enregistre, elle donne des concerts et nous offre des albums au rythme d'une livraison annuelle. Elle aime aussi la musique et les musiciens qui l'accompagnent, et surtout celui qui partage sa vie.

"An Easy Climb" est son quatrième album, de bluegrass au moins, car il ne faut pas oublier sa première tentative en qualité de chanteuse country pour un disque, "Trouble At The Door", paru en 1991, qui, quoi que fort honorable, ne correspond plus vraiment à ce que Donna est aujourd'hui.

On dit communément qu'on ne change pas une équipe qui gagne, alors Donna ne change rien, ou si peu. Et elle gagne encore.

Il est vrai que les musiciens qui l'entourent sont tous des maîtres dans leur art: Scott Vestal (banjo), Andy Leftwich (mandoline et violon) Viktor Krauss (basse), Rob Ickes (dobro), sans oublier le producteur magique, Keith Sewell (guitare et harmonies). Et je garde pour la bonne bouche l'être aimé, Rick Stanley, aussi modeste que son nom est célèbre, toujours présent pour quelques harmonies vocales, sans oublier une inspiration et un soutien sans faille.

Et Rick ne se contente pas de cela, il co-écrit avec Donna cinq des treize titres de l'album. Marc Rossi (un autre grand nom du songwriting bluegrass, écoutez pour vous en convaincre la mélodie de "Her Heart Is A Stone Hard Ground", admirablement soulignée par le dobro de Rob Ickes) en fait autant. Au final, moi qui étais décidé à modérer mon enthousiasme, je me retrouve désarmé lorsqu'il s'agit de trouver un point faible à l'ensemble. Manque d'objectivité ou qualité de l'enregistrement? Sans doute un peu de deux.

Et c'est ainsi que je m'émerveille encore une fois devant la maîtrise sans cesse plus grande de l'écriture de Donna. Que je suis ébloui par le jeu des différents intervenants, par la complicité et la complémentarité qui règne entre eux. Andy Leftwich, en particulier, au violon comme à la mandoline, ajoute encore une couleur musicale supplémentaire à l'œuvre, transformant en arc-en-ciel un album qui commence par "Let It Rain". Et Donna chante toujours aussi bien...

Mais comme je suis quelqu'un d'exigeant, malgé tout, je voudrais terminer par une requête qui s'adresse aussi bien à Madame et Monsieur Stanley, Donna & Rick, qu'à leur A&R, Kathy Sacra-Anderson (chez Hadley Music Group). Compte tenu de ce que l'on entend dans certains titres de "An Easy Climb" ("Where The Cold Wind Blows", "Banks Of Roane River"), pourquoi n'envisagez-vous pas un album de ballades en duo, husband & wife, un peu dans l'esprit de ce que font Barry & Holly Tashian? Après avoir apporté un grand bol d'air frais au bluegrass, vous aideriez la country music, qui en a davantage besoin, à se régénérer un peu. Une prompte réponse de votre part m'agréerait (Kathy, je sais que vous lisez le Français)…

PS – autre requête: MM. Les organisateurs du Festival Bluegrass de La Roche-sur-Foron, si vous me lisez (dans le cas contraire, je sais que le mesage vous arrivera quand même), invitez Donna & The Poor Mountain Boys, je promets de faire le déplacement (non, pas à pied, quand même). Je sais qu'elle serait ravie de se produire en France. Après tout, Donna et les garçons reviennent bien d'une tournée triomphale en Russie!

TRANSLATION

Regular (and nostalgic) readers of Xroads may remember. Bluegrass fans too. Those who belong to both categories can't have forgotten my reviews full of praise, almost dithyrambic, of last two Donna Ulisse's album released in 2009 ("Walk This Mountain Down", Xroads #21) and 2010 ("Holy Waters", Xroads #21). Others may refresh their memory by going to this blog's archives.



Donna loves writing, singing, doing shows with her group "The Poor Mountain Boys". So she sings, she records, she gives shows and offers us albums, one every year. She also loves music and the musicians who play with her, especially the one who shares her life.


"An Easy Climb" is her fourth album, at least of bluegrass kind, because we won't forget her first attempt as a country singer for a disc, "Trouble At The Door", dating from 1991. It was very estimable, but doesn't looks like today's Donna Ulisse.


We use to say that a winning team must not be changed. So Donna changes nothing, or so few. And she wins again.


The fact is that the musicians featured here are all true masters masters of their art: Scott Vestal (banjo), Andy Leftwich (mandolin and fiddle) Viktor Krauss (bass), Rob Ickes (dobro), without forgetting the magic producer, Keith Sewell (guitar and harmonies). And I keep for the end the beloved man, Rick Stanley, as humble as his name is famous, always here for some harmonies, as well as inspiration and permanent support.


And that's not all, he co-writes with Donna five of the album's thirteen tracks . Marc Rossi (another great name of bluegrass songwriting – if you need to be convinced, listen to the melody of "Her Heart Is A Stone Hard Ground", beautifully underlined by Rob Ickes's dobro) does the same. In the end, though I was determined to soften my enthusiasm, I was disarmed when I needed to find a weak point. Was it my lack of objectivity or the CD's quality? Probably a few of both.


And so I'm once again amazed by Donna's ever growing songwriting mastery. I'm starry-eyed about the musicians' playing, their complementary connivence. Andy Leftwich, especially, on mandolin as on fiddle, adds an extra musical colour to the opus, turning into a rainbow an album that begins with "Let It Rain". And Donna still sings so beautifully...


But as I'm a very demanding person, I nevertheless have a request, as well for Mrs. and Mr. Stanley as for their A&R (Kathy Sacra-Anderson (courtesy of Hadley Music Group). If we consider what we hear on some tracks of "An Easy Climb" ("Where The Cold Wind Blows", "Banks Of Roane River"), why don't you plan a duet ballads' album, husband a wife, in the vein of what Barry & Holly Tashian do. After having brought a lot of fresh air to bluegrass, you could help country music, much more in need, to regenerate. A quick answer would be appreciated (Kathy, I know you can read French).


PS – another request for the bookers of La Roche-sur-Foron Bluegrass Festival, if you read me (if no, I know someone will carry the message to you), add Donna & the Poor Mountain Bots to your next program, I promise to come (I won't go by foot, don't ask me that…). I know she would be happy to play in France. After all, Donna and the boys have just come back from a successful tour in Russia.

The Twilite Broadcasters – Trente minutes de plaisir

The Twilite Broadcasters: The Trail Of Time



The Twilite Boadcasters, c'est deux hommes: Adam Tanner (mandoline, violon et voix) et Mark Jackson (guitare et voix). Ils se produisent ensemble depuis fin 2008 et "The Trail Of Time" est leur deuxième album.

Dans l'esprit des string bands, ils nous proposent une formule simple et efficace: harmonies à deux voix et instruments acoustiques (ils sont sur ce disque renforcés par le seul Duane Anderson, à la basse sur cinq des douze titres).

Quelques semaines après Cahalen Morrison & Eli West (et le superbe "The Holy Coming Of The Storm"), ils sont pour moi une belle découverte, due cette fois à Hallie Pritts et Peter Knapp (Peter Knapp & Company).

Leur musique est inspirée directement par les Louvin Brothers et Bill Monroe, ou par ceux qui ont régalé leurs oreilles dans leur jeunesse pas si lointaine, comme David Grisman (pour Adam), Bill Monroe, les Stanley Brothers ou la Carter Family (pour Mark).

Si je devais chroniquer ce disque en quelques mots, je dirais simplement que les Twilite Broadcasters nous offrent trente minutes de bonheur et de plaisir partagés.

Alternant instrumentaux et titres aux harmonies quasi-fraternelles, Adam et Mark nous entraînent dans un voyage aux sources de la tradition musicale américaine. C'est l'Americana au sens premier du mot, celui qui est à l'origine de baucoup de courants actuels.

La Carter Family, les Louvin Brothers, Bill et Charlie Monroe, les Delmore Brothers, Arthur Smith et même Hank Willams retrouvent une jeunesse et une fraîcheur rarement égalées ainsi qu'en témoignent notamment "Weary Blues From Waiting" et "I can't Keep You In Love With Me".

Les instrumentaux, comme "North Buncombe Gallop" (seule composition originale) ou "Fiddler's Dream" démontrent une compétence aux frontières de la virtuosité qui ne bascule jamais dans la démonstration gratuite.

On imagine aisément, à l'écoute de ce disque, l'ambiance qui doit régner lors des prestations scéniques du duo, et l'on peut espérer (sans trop y croire cependant) qu'ils nous rendront une petite visite si jamais l'idée leur vient de traverser l'océan.

En attendant, nous avons "The Trail Of time" pour nous régaler, et c'est déjà mieux que bien.