mardi 12 octobre 2010

John Prine disque à disque - Diamonds In The Rough (1972)



1- Everybody (John Prine)
2- The Torch Singer (John Prine)
3- Souvenirs (John Prine)
4- The Late John Garfield Blues (John Prine)
5- Sour Grapes (John Prine)
6- Billy The Bum (John Prine)
7- The Frying Pan (John Prine)
8- Yes I Guess They Oughta Name A Drink After You (John Prine)
9- Take The Star Out Of The Window (John Prine)
10- The Great Compromise (John Prine)
11- Clocks And Spoons (John Prine)
12- Rocky Mountain Time (John Prine)
13- Diamonds In The Rough (A.P. Carter)

John Prine: Acoustic Guitar, Vocals
David Bromberg: Electric Guitar, Mandolin, Dobro
Steve Burgh: Bass, Drums
Steve Goodman: Acoustic Guitar, Electric Guitar, Harmony Vocals, Fills, Hi-Hat
Dave Prine: Dobro, Banjo, Fiddle, Harmony Vocals
Lou Desio: Arrangements on "Clocks And Spoons"

Produced by Arif Mardin

Après un premier album qualifié par tous de coup de maître, John Prine était attendu au tournant. Avait-il tout dit dès le premier essai, comme cela se produit souvent? "Diamonds In The Rough" prouve sans équivoque que ce n'est pas le cas et que John est là pour longtemps.

Douze compositions de John, en plus de la chanson de la Carter Family qui donne son titre au disque (interprétée en l'occurence a cappella avec le frère Dave et l'ami Steve) sont au menu de l'album.

On trouve quelques classiques que John Prine interprète encore aujourd'hui comme "Souvenirs" (en duo guitare / voix avec Steve Goodman) ou "The Late John Garfield Blues", de superbes ballades comme "Clocks & Spoons" ou "The Great Compromise". Il y a aussi des titres qui démontrent le sens de l'humour rodé sur scéne par notre songwriter favori: "Yes I Guess They Oughta Name A drink After You", "The Frying Pan".

Par rapport au premier opus, l'instrumentation est plus resserrée et repose essentiellement sur les deux virtuoses des 6 cordes que sont David Bromberg et Steve Goodman. Le son est plus brut, la voix plus râpeuse.

Cet album porte bien son titre, et la plus belle pépite est pour moi "Souvenirs" que je ne peux écouter sans avoir une pensée émue pour Steve Goodman, parti trop tôt, vaincu par la leucémie à 38 ans.

"Memories they can't be boughten
They can't be won at carnivals for free
Well it took me years
To get those souvenirs
And I don't know how they slipped away from me"

vendredi 8 octobre 2010

Forest Sun: coup double

Deux disques parus en même temps, semblables et différents, complémentaires en fait. Forest Sun est un artiste aux multiples talents qui, sur le plan musical, refuse de s'enfermer dans un genre.

Avec Ingrid, son épouse et partenaire, il a conquis le public du Cinéma Jean Vigo, le 8 septembre dernier.

Cette double chronique est parue dans Xroads #32.

FOREST SUN
Harlequin Goodnight *****
So Nice ****
Painted Sun Records / CD Baby
Des mots peints

Ces deux disques sont parus déjà depuis un certain temps, en 2008 précisément. Deux ans que je les écoute, les retourne, sans savoir vraiment comment les aborder. La page blanche est en l’occurrence née d’une trop grande richesse du personnage et de son œuvre. Voici un Californien séduisant, au pseudo et au physique tout droit sortis d’une de ces séries TV à rallonge dont les vagues du Pacifique sont le principal décor. Tout pour déplaire a priori. Et l’on s’aperçoit que Forest Sun est son vrai prénom (son patronyme est Schumacher), qu’il ne se contente pas de chanter, qu’il est aussi peintre, sympathique et généreux, passionné de trekking et, pour couronner le tout, "access consciousness facilitator". Bref quelqu’un qu’il n’est pas facile de faire tenir dans une chronique, surtout quand il nous gratifie de deux disques en même temps, proches et différents pourtant.
"Pourquoi deux disques en même temps ? Les chansons le demandaient ! J’avais trop de titres pour un seul disque ; ils voulaient tous naître et refusaient d’attendre. Pendant que nous travaillions en studio, ces deux albums se sont forgé chacun une existence propre".
Autre difficulté : il est impossible de faire entrer Forest Sun dans une petite boîte, de lui mettre une étiquette. On l’a comparé à Van Morrison, à Jack Johnson, à Ben Harper, mais il est en fait inclassable, trop riche, trop talentueux. Ces deux disques le confirment. Vingt-deux titres en tout et pas un moment faible. Une voix et des mélodies qui accrochent vite, des guitares qui claquent, entre acoustique et électrique, lumineuses, et des textes ciselés comme avec la pointe d’un pinceau. La plupart des morceaux ont été enregistrés en une prise et, comme Forest Sun le dit lui-même, il a régné comme une forme de magie lors de la réalisation de "Harlequin Goodnight" et "So Nice".
Le premier est sans doute plus près des racines folk, avec des accents pop, des arrangements portés ça et là par un violoncelle ("Harlequin Goodnight") ou un dobro ("High And Low") ; les participations vocales de Zack Blizzard, Larkin Gayl ou Sean Hayes ajoutent encore à la beauté de l’ensemble.
Le second, plus rythmé, a un côté plus exotique (world ?) avec des accents reggae ou jazzy, une batterie, une trompette ou un orgue Hammond plus présents. Un titre comme "Trampoline", avec encore Larkin Gayl, est une pure merveille.
En résumé, ce sont deux disques dont on ne peut découvrir toutes les richesses (à supposer que cela soit possible) en qulques écoutes. Depuis, Forest Sun a publié "Just For Fun", un disque pour enfants conseillé aux parents (que je n’ai pas encore eu le plaisir de découvrir). La meilleure nouvelle, cependant, c’est que ce Californien de San Francisco, accompagné de sa compagne Ingrid Serban aux harmonies, viendra nous rendre visite prochainement. Il paraît que c’est sur scène qu’il est le meilleur. Alors rendez-vous début septembre à Calais (La Mauvaise Herbe, le 2) et à Gennevilliers (Cinéma Jean Vigo, le 8).

À ranger entre Elam Blackman et Sean Hayes. Et juste à côté des deux volumes de "Songs For Laura", produits par Forest Sun pour la recherche sur le cancer, avec la participation de nombreux artistes de grand talent.

Sam Pierre

mardi 5 octobre 2010

Matt Harlan - Tips & Compliments


Un bien beau disque, paru en 2009. Cette chronique a été publiée dans Xroads #29


MATT HARLAN ****
Tips & Compliments
Berkalin Records / My Texas Music
Les amis de mes amis ont du talent

Encore un nom qui n'évoquait rien pour moi il y a quelques semaines, jusqu'à ce que je cite celui de John Fullbright (cf. Xroads #26) à Nancy Stitham, A&R de Tom Pacheco (cf. Xroads #29). Elle me parla de ce songwriter texan de talent, ami de John et qui ouvrait quelques concerts pour Tom. Bonne pioche! Cet inconnu nous offre en effet un premier disque d'une grande maturité qui n'a rien de celui d'un débutant.

Comme Guy Clark ou John Prine avant lui, on sent dès les premières notes du premier titre, "Elizabethtown", que le gaillard a mûri son songwriting pendant des années avant de le livrer au public par CD interposé. Il a d'ailleurs, autour d'Houston, la réputation flatteuse d'un songwriter's songwriter, ce qui n'est pas rien. Et les noms que j'ai cités ne doivent rien au hasard car Matt se place d'entrée parmi les grands. Comme Guy et John, il défie les classifications, trop country pour être folk et réciproquement. Townes Van Zandt n'est pas loin non plus, pour la qualité littéraire des textes. Pour la voix, on ira plutôt chercher du côté de deux Chris, Smither et Knight, si l'on a besoin de références.

Cela écrit, si les choses sont ce qu'elles doivent être (ce qui est de plus en plus rare), Matt Harlan sera bientôt lui-même une référence car l'album tient la distance sans que jamais la qualité ne baisse. Pour ce "Tips & Compliments" (pourboires et compliments), Matt s'est attaché les services de Rich Brotherton qui produit et joue de quelques instruments à cordes (dont guitares et mandoline) mais aussi, entre autres, de Warren Hood (violon), Marty Muse (pedal steel) ou Riley Osbourn (claviers). Je pourrais consacrer à chaque titre un paragraphe, tellement les textes (fournis avec le disque) sont riches et variés (je peux fournir à ceux que ça intéresse ce que dit Matt de chaque titre à propos de l'inspiration ou de l'instrumentation). Le simple énoncé de "Waiting For Godot", suffit à attirer l'attention d'un francophone, mais ce titre frappe également par sa beauté portée par les notes d'une guitare acoustique et d'une mandoline. Inversement, "Over The Bridge", inspiré par une gaffe de Barbara Bush sur la situation des sinistrés de l'ouragan Katrina, se distingue par une orchestration riche où brille particulièrement le fiddle de Warren Hood. Pour "Walter", où Matt dit s'aventurer dans le territoire de Townes, Matt est passé au banjo et Rich à la slide guitar, avec un grand bonheur. Ailleurs ("Skinny Trees Of Mississippi"), c'est la basse électrique de Rankin Peters qui tient la vedette et là l'inspiration vient de Jaco Pastorius à l'époque où il accompagnait Joni Mitchell.

J'en reste là mais si j'ai un conseil à donner, c'est celui de vous procurer sans attendre ce disque, apru en 2009, qui fait partie de mes grandes bonnes surprises du moment.

À ranger sur la même étagère que les meilleurs songwriters texans, Guy et Townes.

Sam Pierre