dimanche 24 mai 2009

Elvis Costello goes bluegrass

"Secret, Profane & Sugarcane"


Voici un disque que je n'ai pas chroniqué pour Xroads. L'excellent Tony Grieco l'a fait, et bien fait (cf. Xroads #19 en vente dans tous les bons kiosques). Cet album sortira début juin des 2 côtés de l'Atlantique.
Elvis Costello alias Declan Patrick Aloysius MacManus, tout le monde le connaît depuis 1977, époque où, porté par la vague punk, il faisait une entrée fracassante dans le milieu de la musique rock. Personne n'a oublié des titres comme "Alison" ou "Watching The Detectives", ni l'album "My Aim Is True".
Depuis, Elvis 2 a démontré qu'il était d'une espèce à part, un touche à tout de génie qui réussit dans tout ce qu'il tente (avec, quand même, des hauts et des bas): rock, musique de chambre, country, jazz...
Pour son nouveau disque, il a choisi une approche "tout acoustique" (avec juste quelques notes de guitare électrique dues à T Bone Burnett, qui produit aussi l'album).
Plus étonnant, notre "Imposter" favori s'est entouré de la fine fleur du bluegrass. Jugez-en vous-même: Jerry Douglas (dobro), Stuart Duncan (violon et banjo), Mike Compton (mandoline), Jeff Taylor (accordéon) et Dennis Crouch (contrebasse). Et, au cas où cela ne suffirait pas, Jim Lauderdale (un des talents les plus immenses et les plus mésestimés de la country music) assure les harmonies. Dans le rôle de la cerise sur ce beau gâteau, on trouve Emmylou Harris pour une apparition vocale sur "The Crooked Line".
Le disque est composé de morceau d'origines différentes. Quatre d'entre eux, en particulier, ont été écrits pour un opéra inachevé sur la vie de Hans Christian Andersen ("How Deep Is the Red?", "She Was No Good", "She Handed Me a Mirror" et "Red Cotton". Deux ont été écrits pour Johnny Cash dont "Hidden Shame" qui figue sur l'album "Boom Chicka Boom". On touve aussi "Down Along The Wines And Spirits" écrit à l'origine pour Loretta Lynn (qui co-écrit ici "I Felt The Chill"). T Bone Burnett, le "Coward Bother" et l'un des partenaires favoris d'Elvis co-signe lui "Sulphur To Sugarcane" et "The Crooked Line". L'album se conclut sur un titre popularisé par Bing Crosby: "Changing Partners".
Je n'aurais peut-être mis que 4 étoiles à ce disque si je l'avais chroniqué. Elvis n'atteint pas, en termes d'écriture, les somments qu'il a pu côtoyer pour "Spike" ou "King of America". L'aspect un peu patchwork de l'album est également sensible à l'écoute. Et puis Elvis ne cherche pas à faire beau en matière vocale (mais c'est aussi pour cela qu'on l'aime), conservant ce côté teigneux qui est sa marque de fabrique. Mais un telle somme de talents ne peut pas produire un mauvais album, et cet album est excellent.
Comme le dit si bien Tony: à ranger au rayon "bonne surprise" ou même "surprise" tout court.

Pour plus d'informations et quelques sons, rendez-vous ici: http://www.elviscostello.com/

PS: pour ceux qui en douteraient, il s'agit bien d'un album d'Elvis Costello, pas d'un album de bluegrass de plus. Le style reste reconnaissable, les harmonies ne sont pas celles du bluegrass. Un titre comme "The Crooked Line" a une saveur cajun avec le crin-crin et l'accordéon mais, dans l'ensemble, tous ces titres pourraient se parer d'une autre instrumentation, plus électrique. Cela écrit, au bout de 3 écoutes, on a du mal à imaginer un autre casting que ce super-groupe de circonstance.

mercredi 6 mai 2009

The Survivor

Charlie Louvin est un survivant. Il aura 82 ans en juillet, plus de 60 ans de métier, depuis ses débuts avec son frère Ira, en 1946.


Les Louvin Brothers se sont produits ensemble jusqu'à leur rupture en 1963, avant qu'Ira ne trouve la mort dans un accdent de voiture le 20 juin 1965, à 41 ans. Ira était parti avec sa mandoline et sa merveilleuse voix de ténor. L'influence des deux frères et de leurs harmonies vocales sur les générations suivantes est toujours réelle.


Charlie est resté seul et poursuit depuis une carière solo, démontrant même un regain d'activité ces dernières années.


Il a ainsi publié en 2008 deux albums qui ont été chroniqués dans Xroads: "Steps To Heaven" (#13) et "Charlie Louvin Sings Murder Ballads And Disaster songs" (#15).


Voici ces deux chroniques:







CHARLIE LOUVIN ***
Steps To Heaven
Tompkins Square

En attendant…

Charles Elzer Loudermilk (cousin de John D. Loudermilk, auteur de l'immortel "Tobacco Road"), plus connu sous le nom de Charlie Louvin, est né le 27 juillet 1927. Ses débuts dsiscographiques, aux côtés de son frère Ira datent de 1946. L'influence des Louvin Brothers sur les générations suivantes (à commencer par Gram & Emmylou) n'est plus à démontrer. Et pourtant, Charlie ne décroche pas. Un an après Charlie Louvin enregistré en compagnie d'une bande de (plus ou moins) jeunes (Jeff Tweedy, Elvis Costello, Will Oldham…), il revient avec ce Steps To Heaven qui en est l'exact opposé. Peu de monde autour de lui, sous la férule du producteur Mark Nevers: le piano de Derrick Lee, la basse et la guitare de Chris Scruggs (fils de Gail Davies et Gary Scruggs et petit-fils d'Earl Scruggs) et les voix gospel des (trois) sœurs McCrary. C'est un disque austère, sans fioriture, mais loin d'être triste. À leurs débuts, les Louvins ont mis plusieurs années avant d'avoir le droit d'enregistrer autre chose que du gospel mais, aujourd'hui, Charlie y revient de son plein gré avec 8 titres traditionnels et 2 reprises du duo fraternel: "There's A Higher Power" et "Just Rehearsing". La voix de notre homme est l'élément central du disque, tantôt lasse, tantôt forte et pleine de confiance, elle véhicule essentiellement un message d'espoir (celui de reformer, là-haut, l'impossible duo?), d'acceptation et non de peur de la mort, évitant le piège du prêchi-prêcha trop souvent inhérent à ce type d'enregistrement. Tout n'est pas parfait, certes, le chœur gospel est parfois un peu envahissant mais des titres comme "How Beautiful Heaven Must Be" ou "If We Never Meet Again This Side of Heaven" donnent le frisson. En attendant…




À ranger tout près coffret Close Harmony, intégrale des Louvin Brothers publiée chez Bear Family Records, en attendant Charlie Louvin Sings Murder Ballads & Disaster Songs prévu pour le 9 décembre prochain. Car Charlie nest pas pressé de les franchir, ces Steps To Heaven!



Sam Pierre








CHARLIE LOUVIN ***
Sings Murder Ballads And Disaster Songs
Tompkins Square


L'heure du crime




Charlie Louvin nous avait laissés il y a peu (cf. Xroads #13) avec son Steps To Heaven. Comme promis, il est de retour avec ses Murder Ballads And Disaster Songs. Là encore, il puise largement dans le répertoire traditionnel avec les plus que rabâchés "Darling Corey", "Wreck Of The Old 97" ou "Mary Of The Wild Moor". Il y a aussi "Dark As A Dungeon" de Merle Travis, "Wreck On The Highway" de Dorsey Dixon, "Is This My Destiny" d'Helen Carter ou "My Texas Girl" de la Carter Family. Bref, rien d'original, mais si la tonalité générale de Steps To Heaven était largement teintée d'optimisme, on est ici à l'opposé, thématique oblige. Sur le plan vocal, les chœurs des sœurs McCrary laissent place à quelques harmonies essentiellement mâles. Orchestralement, le contraste est également net avec l'apparition des fiddles de Andrew Bird et Billy Contreras et, ça et là, d'une steel guitar (Chris Scruggs) ou d'un pipe organ (Matt Allen) qui viennent jouer un contre-chant du meilleur effet. Dans l'esprit et dans le dépouillement, on n'est pas loin de Will The Circle Be Unbroken du Nitty Gritty Dirt Band. La voix de Charlie Louvin est parfaitement à l'aise dans ce répertoire – il est vrai qu'il a connu son lot de tragédies – notamment quand elle s'élève seule (et là, on doit saluer la production impeccable de Mark Nevers) mettant particulièrement bien en relief le côté sombre du répertoire. Rien d'original, disais-je plus haut? Au fil des écoutes, cette impression de déjà entendu laisse cependant place à autre chose, on entend les confidences d'un vieil ami dont la voix chaude nous fait penser à celle de nos aïeux quand, enfants, nous étions suspendus à leurs lèvres fatiguées qui savaient si bien nous conter des histoires d'un autre temps. Des titres comme "Down With The Old Canoe" et "The Little Grave In Georgia" en sont la meilleure illustration, et trop vite on arriveà la fin de l'album, qui nous laisse le sentiment d'une douce mélancolie. See you soon, Charlie...




À ranger à côté de Steps To Heaven!




Sam Pierre


Et si vous pouvez, procurez vous l'intégrale des Louvin Brothers (coffret 8 CD): Close Harmony. Plaisir garanti!